Grand écran: "Les Misérables", un brûlot social sur la banlieue qui vous scotche au fauteuil (19/11/2019)
Avec Les Misérables, son premier long métrage coup de poing, véritable brûlot social, Ladj Ly qui avait logiquement décroché le prix du jury à Cannes en mai dernier, vous scotche au fauteuil. Il livre un film choc, impressionnant sur la forme et le fond évoquant les tensions dans les cités avec une population en colère. Un tour de force pour ce débutant, qui a déjà gagné ses galons de réalisateur confirmé.
Né à Montfermeil, il avait créé à 17 ans le collectif Kourtrajmé avec notamment le soutien de Costa Gavras. Il a trouvé sa vocation en voyant La Haine de Mathieu Kassovitz. Les Misérables nous fait évidemment penser à ce film qui, en 1995, raflait le prix du jury, révélant par ailleurs un auteur, Mathieu Kassovitz et un acteur, Vincent Cassel.
On souhaite le même bonheur à Ladj Ly, qui assume la comparaison. Mais si Kassovitz filmait les affrontements entre les jeunes de la banlieue parisienne et les policiers du point de vue des habitants, lui inverse les choses et montre la confrontation à travers le regard des policiers.
Stéphane (Damien Bonnard), arrivé de Cherbourg, intègre la BAC (Brigade anti-criminalité) de Montfermeil, dans le 93e arrondissement parisien, au lendemain de la victoire des Bleus au Mondial, fédératrice d’une France réunie autour du drapeau et de la Marseillaise. Un état de grâce qui ne va pas durer
Les tensions entre les différents groupes
Pour Chris, flic assez naïf, c’est son premier jour et il fait connaissance de ses nouveaux coéquipiers expérimentés, Chris teigneux chef de brigade (Alexis Manenti) et Gwada (Djibril Didier Zonga). Pour le mettre tout de suite dans le bain, ils lui font faire le tour du propriétaire, se vantant de se faire respecter par la force et la peur. Disons-le tout de suite, ils sont excellents, même si le comportement macho-facho de Chris frise parfois la caricature.
L’histoire se déroule sur une journée. Stéphane ne tarde pas à découvrir les tensions entre les différents groupes. Cela commence très mal entre les habitants et les Tziganes d’un cirque auxquels une petite frappe a volé un lionceau. Rapidement localisé, le gamin est gravement blessé lors d’un tir de LGB. C’est la bavure que Chris veut absolument étouffer, mais elle a été filmée par un drone… Au fil d’actions saisissantes, les choses vont alors crescendo dans un ghetto déjà au bord de l’explosion.
Une approche documentaire
Ladj Ly développe un court métrage réalisé en 2017. Il garde une approche documentaire dans sa description très réaliste de l’univers corrompu de la cité, tout en évitant les clichés et le manichéisme, veillant aussi à ne pas tomber dans le misérabilisme Il ne montre pas de gentils jeunes contre de méchants flics ou l’inverse. Les deux sont des deux côtés
Comme on le mentionnait plus haut, le cinéaste connaît bien Montfermeil. Il a grandi dans la cité des Bosquets et a réalisé plusieurs documentaires dont «365 jours à Clichy-Montfermeil» qui témoignait de la vie dans le département de la Seine-Saint-Denis confronté aux émeutes de 2005, dont les braises n’ont pas été éteintes quatorze ans après.
«On se sent toujours abandonné, écarté»
«Les choses n’ont pas vraiment évolué. J’habite la banlieue depuis trente-huit ans. On se sent toujours abandonné, écarté. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on essaye de nous mettre dans des cases. Cela fait plus de vingt ans qu’on est des gilets jaunes, qu’on se prend des coups de flashball et on a l’air de découvrir les violences policières» Il précise: «J’ai emprunté le titre à Victor Hugo, parce qu’une partie du roman se déroule à Montfermeil, mais aussi pour rappeler qu’un siècle plus tard, la violence est toujours présente sur le territoire.»
«Les habitants sont en souffrance. Ils se cherchent sans cesse, avec de grandes gueules toujours avides d’en découdre, des flics qui font chier le monde quand ils veulent un peu d’action, des gamins sans perspective qui se révoltent contre toute forme d’autorité, le maire, les flics. Parce qu’ils en ont ras-le bol.»
En conférence de presse sur la Croisette, Ladj Ly déclarait: «J’aimerais que le président voie le film. Je lui demande de nous entendre, de nous écouter. C’est un vrai message que je lui adresse. Je suis prêt à lui faire une projection à l’Elysée». Finalement, Emmanuel Macron l’a regardé en DVD. Il s’est dit «bouleversé». Mais on parle de récupération politique.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 20 novembre.
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