Festival de Locarno: la chasse est terminée. A qui le Léopard d'or? (16/08/2019)
Demain tout sera dit avec le dévoilement du palmarès de la 72e édition du Festival de Locarno. Quel film aura l’heure de plaire au jury présidé par la Française Catherine Breillat? A nos yeux, aucun parmi les dix-sept en lice dans une compétition pourtant moins «parent pauvre du festival» que d’ordinaire, ne s’impose véritablement comme un Léopard d’or indiscutable.
Certains se détachent pourtant, faisant plus ou moins le buzz parmi les festivaliers. Celui dont on parle le plus, c’est O Fim do Mundo (La fin d’un monde) de Basil da Cunha, représentant la Suisse.Dans ce film qui commence par un baptème et se termine par un enterrement, le réalisateur suit le jeune Spira (photo) qui, après avoir passé huit ans dans un centre pour mineurs, retrouve ses potes en revenant dans son quartier lisboète voué à la démolition, où les habitants se débrouillent comme ils peuvent.
Le cinéaste en profite pour dresser le portrait d’une jeunesse meurtrie, à travers des personnages dont on a volé l’enfance, qui ont perdu leur innocence et prônent le crime à l’ancienne. « J’ai voulu faire un film de résistance, sur la fin d’un monde, représenté par cet endroit, un des derniers maquis où on peut vivre autrement. Une résistance à la modernité. Même si elle s’immisce, il y a une volonté de pas rester rivé à son ordinateur … »
Pedro Costa pour les inconditionnels
Cinéphilie oblige, il ne faut évidemment pas oublier le retour du vénéré portugais Pedro Costa, déjà présent à Locarno avec Dans la Chambre de Vanda en 2000. Il se rapproche de Basil da Cunha, du moins par le lieu, avec son neuvième long métrage Vitalina Varela. On y voit une quinquagénaire cap-verdienne, dont le mari vient de mourir, débarquer dans un bidonville de Lisbonne.
Arrivée trois jours après les obsèques alors qu’elle a attendu son billet d’avion pendant 25 ans, elle va s’atteler à la gestion des affaires du défunt et à rebâtir le souvenir d’une solide maison au Cap-vert. Formellement parfaite, splendidement sombre, nous laissant ressentir la souffrance, magnifiant le visage, le corps et le regard de Vitalina, l’œuvre qui pourrait demeurer confidentielle à l’image des autres films de l’auteur, constitue un sommet pour les admirateurs inconditionnels.
De Yokogao aux Enfants d’Isadora
Dans un tout autre registre, on évoque aussi Yokogao, (A Girl Missing), notre préféré par ailleurs, du Japonais Koji Fukada. Il raconte l’histoire d’une infirmière, Ichiko, qui travaille dans une famille dont elle fait quasiment partie. Mais un jour c’est le drame. La fille cadette disparaît et les médias ne tardent pas à révéler que le ravisseur n’est autre que le neveu d’Ichiko. Tout se dérègle alors dans la vie de la jeune femme, piégée par une révélation qu’elle aurait dû garder secrète et qui déclenche une invraisemblable frénésie médiatique. Un film qui vaut surtout par la qualité de l’interprétation de sa principale protagoniste.
The Last Black Man In San Francisco, de Joe Talbot, compte quelques fans. Il raconte l’histoire de Jimmie Fails qui, dans une ville en pleine mutation à force de boboïsation, rêve de récupérer la maison victorienne de son enfance, construite par son grand-père en plein cœur de la cité et que la famille n’a pas pu garder. Le film a été primé à Sundance au début de l’année. Aura-t-il la même chance?
A noter enfin que certains ont été envoûtés par Les enfants d’Isadora du Français Damien Manivel, où il interprète à sa manière le solo intitulé La Mère, composé par la danseuse mythique après la mort tragique de ses deux enfants en avril 1913. Dans un geste d’une grande douceur, une mère y caresse et berce une dernière fois son enfant avant de le laisser partir.
Un siècle plus tard, quatre femmes se confrontent à cette danse déchirante, qui laisse éprouver la sensation de la perte et du vide: une danseuse déchiffre la partition du solo qui l’émeut, une chorégraphe en prépare l’adaptation dansée par une adolescente trisomique, une vieille dame seule assiste à une représentation du spectacle qui la bouleverse. Dans ce film construit comme un ballet en trois actes, Damien Manivel rend hommage à une femme libre qui a révolutionné l’histoire de son art.
Mais comme on a l’habitude de le dire, le critique propose, le jury dispose. Réponse samedi soir sur la Piazza Grande avant la projection de To The Ends Of The Earth, du Japonais Kiyoshi Kurosawa.
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