Grand écran: "Sauvage", descente aux enfers d'un prostitué gay. Avec un remarquable Félix Maritaud (22/10/2018)
Visite d’un jeune homme chez un médecin. Petites questions classiques, prise de tension, palpage des ganglions, du ventre… Mais l’auscultation dérape, le toubib se mettant à masturber son patient, avant de lui donner un prochain rendez-vous. Car le patient est un prostitué gay, Léo, héros de Sauvage, premier long métrage coup de poing du Français Camille Vidal-Naquet.
Remarquable, il révèle aussi un extraordinaire acteur, Félix Maritaud. Désormais égérie du cinéma queer français, on l’a déja aperçu dans 120 battements par minute de Robin Campillo et Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez. Etre absolu, solitaire, insaisissable, indomptable, Félix alias Léo (ou l’inverse, tant les deux ne font qu’un «je me suis vidé pour être rempli par le personnage», remarque le comédien), erre dangereusement de rencontre en rencontre.
Léo drague au bois de Boulogne. Mais le vsexe est juste um boulot qui lui permet de quoi subsister plus ou moins. Marginal, sans règle ni code, il est tiraillé entre son état assumé, son désir de liberté et surtout une inépuisable force d’aimer, un besoin de tendresse qui subsistent quelle que soit la violence du monde qu’il traverse.
Perpétuelle fuite en avant
Dans sa quête obsessionnelle où il ne reçoit souvent que des coups en retour, il s’obstine à séduire sans succès Ahd (Eric Bernard, très bon lui aussi), un gay refoulé, limite homophobe, qui pratique le même job que lui. Mais dégoûté, répétant "je ne suis pas pédè, j'embrasse pas", Ahd le repousse. Il espère sortir au plus vite de cette galère en se trouvant un vieux pour l’entretenir.
Les passes se succèdent pour Léo dans une sorte de descente sacrificielle aux enfers. Son corps martyrisé, plein d’hématomes, se dégrade. Jamais endurci pourtant, il persiste à se vendre sans limite à des clients divers qu’il a envie de prendre dans ses bras ou de se lover contre eux. Dans une perpétuelle fuite en avant, il refuse toute perspective d'une éventuelle stabilité.
Malgré des scènes sexuelles très crues, d’une brutalité parfois insoutenable (comme celle du plug, où en plus on le frappe et on le jette à la rue sans le payer), il n’y a aucun voyeurisme dans ce récit d’un quotidien sordide.
Un gros travail de documentation
Camille Vidal-Naquet s’est livré à un gros travail de documentation sur la prostitution masculine. Il a rencontré et observé des garçons au bois de Boulogne pendant trois ans pour mieux saisir leurs rituels de drague, rendre compte de leur condition précaire, de leur état de santé déplorable.
Pour autant, il ne s’agit pas d’un documentaire avec analyse sociale à l’appui. Le cinéaste restitue le réel dans une fiction frontale, intense, ardente, magnifiée par l’incroyable performance d’un Félix Maritaud bouleversant et radicalement mis à nu.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 24 octobre.
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