Grand écran: "First Man", intimiste conquête de la lune avec un formidable Ryan Gosling (17/10/2018)
La conquête spatiale. Apollo XI. Une épopée triomphante, des images vues et revues, un thème mille fois traité. Raconter quelque chose de nouveau sur l’un des enjeux les plus célèbres de l’histoire du 20e siècle relevait de l’exploit. Damien Chazelle, qui nous avait bluffé avec Whiplash, enchanté avec La La Land, l'a réalisé avec First Man, odyssée humaine aux accents kubrickiens.
Evitant le côté spectaculaire et cliché de la grosse machine hollywoodienne célébrant le mythe planétaire, le réalisateur franco-américain oscarisé a audacieusement choisi l’approche intimiste en se penchant sur le destin hors norme de Neil Armstrong. Adaptant la biographie de James R.Hansen, à laquelle le héros a participé, il se focalise davantage sur l’homme, ses déchirements, ses joies, ses espoirs, ses sacrifices que sur les moments incontournables de cette vertigineuse balade lunaire.
Pilote jugé « un peu distrait » par ses supérieurs en 1961, l’astronaute passionné sera le premier homme à marcher sur la lune le 21 juillet 1969. Durant huit ans, il subit un entraînement de plus en plus difficile et exigeant, assumant les risques d’un voyage vers l’inconnu total. Traumatisé par le décès de la petite fille de trois ans d’un cancer cérébral, il tente d’être un mari aimant mais moins présent qu’il le voudrait auprès d’une femme (Claire Foy, excellente) qui l’avait épousé en espérant une relation moins tumultueuse.
Neil Armstrong ne nous apparaît ne pas comme un surhomme, mais comme un père de famille taiseux, dont on apprend beaucoup sur la face cachée. Pour la deuxième fois, Chazelle a fait appel à Ryan Gosling. Un choix idéal que ce comédien habitué aux personnages mutiques. Il est parfait en écorché vif, livrant un jeu minimaliste, subtil, intense, laissant apparaître les fêlures d’un papa meurtri, viscéralement hanté par la mort, tout en exprimant la concentration extrême, la passion, le bouillonnement intérieur de l’astronaute.
Entre dimension existentielle et thriller sous haute tension
Mais si Chazelle privilégie le drame intime, la dimension existentielle, psychologique, métaphysique, immersive de la fabuleuse aventure, il n’en néglige pas pour autant le côté thriller sous haute tension
Deux scènes d’un réalisme extraordinaire nous collent plus particulièrement au fauteuil, avec l’impression du ressenti physique des protagonistes: le décollage assourdissant d'Apollo XI dans un déluge de feu et l’alunissage hallucinant du LEM dans la mer de la Tranquillité. On a des papillons dans le ventre en voyant carrément le vrai Armstrong descendre l’échelle et poser sa «moon boot» sur la poussière grise avant de prononcer le fameux «Un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour l’humanité». Bref, on y est, comme lors de la retransmission télévisée en direct, ce fameux 21 juillet 1969.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 17 octobre.
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