Grand écran: "BlacKkKlansman", charge cinglante de Spike Lee contre le racisme, l'extrême-droite et Trump. (21/08/2018)

2239164.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx.jpgDe retour en compétition à Cannes en mai dernier, 27 ans après Jungle Fever, Spike Lee, 61 ans, avait décroché le Grand Prix du jury pour BlacKkKlansman, une charge cinglante contre le racisme, l'extrême droite et le président Donald Trump. D’un humour mordant férocement militant, jubilatoire, le film est basé sur la folle et véridique histoire de Ron Stallworth, premier policier afro-américain à intégrer le Colorado Springs Police Department, avant d’infiltrer le Ku Klux Klan.

Au début des années 70, en pleine lutte pour les droits civiques, des émeutes raciales éclatent dans les grandes villes américaines. Ron Stallworth (John David Washington, le fils de Denzel), assigné au service des renseignements mais désireux de prouver ses talents de détective, découvre une petite annonce du Klan dans la gazette locale et, initiative démente, décide d’infiltrer l’organisation pour l’empêcher de prendre le contrôle de la ville.

Des conversations surréalistes

Se faisant passer au téléphone, sous son vrai nom, pour un extrémiste blanc de la pire espèce, crachant son fiel sur ces sales «nègres», il entretient rapidement un rapport privilégié avec David Duke, responsable national, avide de «rendre sa grandeur à l’Amérique»… Enchanté d’un tel déferlement de haine, le Grand Sorcier propose à son virulent interlocuteur de venir le voir pour finaliser sa demande d’adhésion.

Mais gros problème vu la couleur de l’intéressé... Son collègue juif Flip Zimmermann (Adam Driver) va alors prendre sa place. Ron est ainsi incarné par deux personnages, lui-même pour balader les pontes au téléphone, ce qui donne lieu à des conversations surréalistes et Flip pour les rencontrer en terrain truffé de mines!.

Le tandem (photo) fait merveille dans cet opus entre polar, suspense, comédie noire et politique. Plus particulièrement encore Adam Driver, absolument irrésistible dans sa mission consistant à sympathiser avec ces rétrogrades minables, violents, à la bêtise aussi crasse que dangereuse. Tout en se souvenant de sa judaïté…

Quelques écarts mineurs

On peut reprocher au réalisateur son manichéisme, un poil de redondance anti-Trump, un rien de caricature, une amourette assez peu convaincante entre Stallworth et une jolie activiste noire. De petits écarts mineurs toutefois en regard de l’ensemble, percutant, efficace, tenant remarquablement la route, dont notamment deux scènes au montage impeccable.

Tout d’abord celle montrant Alec Baldwin en orateur sudiste hypnotisant les foules sur les images de l’ouvertement raciste Naissance d’une nation (1915) de D.W.Griffith, tandis que les membres du Klan acclament la mort des esclaves. Et celle où un vieil homme (Harry Belafonte) raconte le martyre, en 1916, de Jesse Washington, torturé, lynché et pendu, avec en parallèle le discours nauséabond de David Duke.

Ne pas relâcher la pression

C’est le but de Lee, le pamphlétaire. Ne pas relâcher la pression. Evoquer sans cesse l’abomination du racisme. Ridiculiser ces Blancs violents, paranos, névrotiques qui prétendant représenter le meilleur du pays en le débarrassant des Noirs, dont il exalte au contraire la beauté et la fierté.

BlacKkKlansman se termine par la dénonciation des événements de Charlottesville, cette ville de Virginie bouleversée par des violences de groupuscules d'extrême droite le 12 août. Il montre ce moment tragique où la voiture d'un suprémaciste blanc percute volontairement 2017 des militants antiracistes, provoquant la mort d'Heather Heyer, 32 ans. Le film lui est dédié.

Lors de sa conférence de presse cannoise, Spike Lee s’était à nouveau livré à une attaque en règle contre «ce type à la Maison Blanche dont je ne prononcerai pas le nom et qui n’a pas osé dénoncer le Klan et ces salopards de nazis». Ajoutant: «Il faut réécrire l’histoire avec ce film. Je suis porteur d’espoir. J’espère qu’il sera distribué dans le monde entier, dans des pays où sévit l’extrême-droite. J’espère éveiller les consciences, secouer les gens, créer une discussion autour du racisme».

17:38 | Lien permanent