Festival de Locarno: avec "M", plongée noire et choc chez les ultra-orthodoxes, aux portes de Tel-Aviv (10/08/2018)
Si la compétition ne s'est pas révélée follement emballante, on retiendra tout de même quelques œuvres. Nous en avons déjà cité trois: Gangbyun Hotel du Sud-Coréen Hong Sang-soo, Genèse, du Québecois Philippe Lesage, Sibel, cosigné par la Turque Cagla Zencirci et l’Italien Guillaume Giovanetti.
On ajoutera M, de la Française Yolande Zauberman, qui a opéré une plongée aussi noire que choc sur l’atrocité de la pédophilie à Bneï Brak, la capitale mondiale des Haredim, les ultra-orthodoxes juifs, en hébreu les "Craignant-Dieu".
C’est dans cette ville, fondée en 1920 par les Hassidiques que Menahem Lang, aujourd’hui trentenaire, a grandi, avant de la quitter à 20 ans. On le retrouve une nuit sur la plage, à Tel-Aviv où il s’est installé. Face caméra, il chante un air yiddish, avant de révéler un lourd secret.
Menahem est un homme fracassé, dont on découvre toute la souffrance au long de cet effroyable voyage dans l’indicible. Car il était un porno kid, destiné comme tant d’autres gamins au plaisir des hommes. Violé à 7 ans, dit-il, pour avouer ensuite douloureusement qu’il en avait en réalité quatre, par des membres de la communauté. Et cela à répétition, pendant des années.
Pour la réalisatrice, Menahem va faire un chemin initiatique en ouvrant la porte de sa ville natale, celle des hommes en manteaux noirs, chapeau et papillotes, celle d’une société rigide d’un autre âge, aussi hypocrite que pétrie de dogmes religieux.
Il retourne ainsi sur les lieux du crime, mais aussi sur les endroits qu’il a aimés, pour une sorte de réconciliation. Ce documentaire coup de poing d'une force incroyable contribuera peut-être à la libération d’une parole trop longtemps couverte par un silence coupable et condamnable.
Ces films se retrouveront-ils au palmarès? Réponse demain. On pourrait d'ailleurs y voir figurer sans grande surprise La Flor de l'Argentin Mariano Llinas. Rappelons que cet ovni cinématographique de 14 heures, réponse du cinéma aux séries, selon le directeur artistique Carlo Chatrian, est divisé en six épisodes, chacun correspondant à un genre.
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