Grand écran: Léa Pool explore l'univers d'une Lolita québécoise dans "Et au pire on se mariera" (14/03/2018)

une-premiere-bande-annonce-pour-le-tres-attendu-film-et-au-pire-se-mariera-433503.pngAïcha, 14 ans, vit avec sa mère Isabelle à qui elle ne pardonne pas d’avoir viré le beau-père algérien qui abusait d’elle mais qu’elle adorait. Elle espère toujours qu’il reviendra la chercher, Solitaire, vivant dans un autre monde, elle cherche son identité, n’a pas d’amis, sauf deux prostitués travestis de son quartier miteux du Centre-Sud de Montréal.

Un jour, dans un parc, elle rencontre Baz, un musicien nettement plus âgé qu'elle. C'est le coup de foudre. Elle s'y attache jusqu’à l’obsession. Baz tient à aider cette gamine, mais elle veut bien plus de lui et est prête à tout pour l’obtenir. Très vite elle s’empêtre dans ses mensonges, ses fantasmes, ses affabulations qui vont conduire au drame.

Treizième long métrage de Léa Pool, Et au pire, on se mariera est une chronique intimiste qui traite des amours adolescentes, interdites et de leurs conséquences. Après La passion d’Augustine, la cinéaste d’origine vaudoise qui a choisi de vivre et de travailler au Québec il y a 25 ans, retrouve ainsi un thème qui lui est cher. Basé sur le roman monologue de Sophie Bienvenu, coauteure du scénario, le film évoque une première passion violente où le bien et le mal ne se traduisent pas simplement par le noir et le blanc, mais comportent plusieurs nuances de gris…

Une actrice totalement investie

Les comédiens constituent le principal atout. A commencer par l’excellente Sophie Nélisse (photo), qui porte l’opus sur ses épaules. Elle s’investit totalement dans le personnage d’Aïcha, qu'elle est plus qu'elle ne l'incarne.  D’autant qu’elle a vécu la situation de la jeune fille, étant elle-même amoureuse d’un garçon plus âgé.

Avec Isabelle, la mère, Léa Pool retrouve Karine Vanasse qu’elle avait engagée il y a 20 ans pour Emporte-moi, son premier film. A signaler également Jean-Simon Leduc, très convaincant dans le rôle de Baz, qui semble ne pas bien comprendre ce que cherche Aïcha.

Léa Pool, récemment rencontrée à Genève a eu l’idée d’adapter le roman de Sophie Bienvenu grâce à sa fille. « Elle l’a lu et m’a encouragée, Cela tombait bien. J’avais envie d’aller dans une structure éclatée, où je pourrais me laisser aller à une plus grande liberté créatrice. Mais surtout j’ai été bouleversée par le personnage d’Aïcha

Qu’est-ce qui vous a tellement plu chez cette Lolita québécoise?

Sa complexité, sa maturité, sa philosophie de la vie, son expression, sa façon de parler, son vocabulaire particulier. Par ailleurs, on ne sait jamais si elle ment ou dit la vérité. Je voulais aller dans son univers, sa poésie, sa solitude, rentrer dans sa tête, mettre des images sur ce quelle raconte.  

Vous aimez également parler de la cellule familiale. Aïcha a des rapports très tendus avec sa mère.

Elle lui en veut beaucoup pour avoir mis son beau-père chéri à la porte. A ma connaissance, c’est la première fois qu’un enfant montre l’absence de choc dans une relation avec un adulte. C’est toutefois une situation très délicate. Il ne faut pas oublier que c’est une petite fille qui la vit. Le roman décrit des scènes très osées et la fille a 13 ans. Mais je ne me sentais pas à l’aise avec cela et je ne suis pas allée aussi loin.

Vos films donnent en général la parole aux femmes. De tous âges.

Il y a eu une statistique sur les films primés aux Oscars à propos du temps pendant lequel elles parlent: 15%, contre 85% pour les hommes. Edifiant, non? Chez moi, c'est l'inverse. Et parce que je suis une femme, je choisis des sujets qui m’interpellent. J’ai été amoureuse de mes profs, et je suis fascinée par les liaisons interdites, les amours impossibles. Il y a là quelque chose qui exalte le sentiment.

A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 14 mars.

18:36 | Lien permanent