Grand écran: hier, aujourd'hui, demain se mêlent dans "La Villa", de Robert Guédiguian. Politique et poétique (28/11/2017)
La calanque de Méjean, près de Marseille, en hiver. Une villa avec une grande terrasse, donnant sur la mer. Angèle, Joseph et Armand, une soeur et ses deux frères se retrouvent autour de leur père en fin de vie. Les deux premiers sont partis, elle pour devenir, actrice, lui pour prôner la révolution, tandis que le troisième restait pour reprendre le restaurant ouvrier familial.
Mais les rêves de chacun se sont envolés. Angèle a perdu sa fille unique, Armand vivote l’été grâce aux touristes. tandis que le capitalisme et la mondialisation ont été fatals à Joseph, viré sans ménagements. Retraité déprimé, il vit avec une fille trop jeune pour lui, que son mal-être et son amertume agacent.
Pour eux c’est le moment de mesurer ce qu’ils ont conservé de l’idéal que leur père leur a transmis, de la fraternité qu’il avait construite. Des réflexions chamboulées par l‘arrivée de migrants, représentés par trois enfants ne parlant pas un mot de français, retrouvés dans les collines,
Entre fable, constat et espoir, le militant Robert Guédiguian évoque avec nostalgie, poésie et générosité un monde perdu, observe celui d’aujourd’hui et imagine un futur possible dans La Villa. Son 21e film où il réunit à nouveau sa bande. A commencer par les potes de toujours, sa femme Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan. Et ceux qui sont devenus des habitués, Anaïs Demoustier, Yann Trégouët, Robinson Stévenin.
-Pourquoi aimez-vous tant travailler avec les mêmes acteurs. Je parle plus particulièrement d’Ascaride, de Meylan et de Darroussin ?
-Parce que c’est un plaisir. Nous avons le même âge mes camarades et moi. Quand j’ai commencé, j’en avais besoin pour incarner mes idées. Au bout de quatre, cinq films, c’est devenu ma manière de faire.
-Participent-ils à l’écriture à force de vous accompagner?
-Chacun son boulot. C’est la division normale du travail. Je nuance. Comme on est ensemble depuis longtemps, ils ont une forte influence sur moi. On partage les mêmes valeurs, la même vision du monde, les mêmes idées politiques. Leurs voix sont la mienne et je parle à travers eux.
-Comment est né La Villa ?
-Cela vient du lieu qui est pour moi comme un théâtre où on joue du Shakespeare ou du Tchékov. Une ville ouverte sur la mer représente toujours le monde. Si on veut le résumer, il faut le raconter à travers un minimum de personnages d’âges différents dans un petit endroit.
-Hier, aujourd’hui, demain se mêlent dans l’histoire. A propos du passé, il y a cette scène émouvante de Ki lo sa, datant de plus de trente ans. C’est d’ailleurs l’intérêt de tourner avec les mêmes comédiens. Pas besoin d’effets spéciaux pour voir la calanque telle qu’elle était!
-Il s’agit d’une scène exceptionnelle. Tous ceux qui n’ont pas vu le film sont abasourdis. Je voulais montrer Angèle, Armand et Joseph dans l’enthousiasme, l’insouciance et la joie.
-Vous évoquez les migrants venus de la mer avec les trois petits réfugiés recueillis et cachés des militaires par le trio.
-Ce sont eux qui vont le remettre en marche. L’intéressant, c’est qu’il s’agit d’une fratrie symétrique à celle de La villa. Une fille et deux garçons.
-Qu’ils soient politiques, climatiques, économiques, parler des réfugiés vous tient à cœur.
-Comment l'éviter? Ils nous renvoient à l'essentiel de l'humanité. On est dans lun refus du partage atroce. Les politiques exploitent les gens. Je voulais être au cœur de la problématique. On n’a pas le droit d’être pessimiste. Il faut faire des constats précis mais aussi annoncer des temps nouveaux. Avoir une vision juste du monde qui ne sera jamais aussi beau ni aussi mauvais qu’on le dit. Sans être angélique, je trouvais nécessaire de montrer une possibilité de renaissance à travers ces trois enfants.
A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 29 novembre.
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