Grand écran: "La belle et la meute", un thriller politique et féministe prenant (17/10/2017)
Une fête étudiante est organisée dans un hôtel tunisien du bord de mer. La jolie Mariam au visage rond enfantin, qui vient de troquer sa sage tenue noire pour une robe moulante et décolletée que lui a apportée une amie, s’amuse sur la piste de danse et croise le regard de Youssef. Ils se plaisent, bavardent un moment puis sortent faire une promenade sur la plage.
Changement radical d’ambiance dans le plan suivant, montrant la jeune femme en état de choc, courant dans la rue, hagarde, en larmes. Sa robe est froissée, ses cheveux défaits, son maquillage coule. Elle a été violée par des policiers. Elle veut porter plainte, mais va vivre une longue nuit cauchemardesque pour tenter de le prouver.
Journaliste militant, Youssef tente de l’aider et l’emmène à l’hôpital, mais une réceptionniste méprisante la juge trop sexy et refuse de lui donner le certificat nécessaire. Puis elle se heurte aux dénégations, intimidations, menaces au sein du commissariat de ses agresseurs, où elle se bat farouchement pour le respect de ses droits et de sa dignité. Car ils ne se gênent pas pour la déclarer coupable. Une coupable qui ose réclamer justice alors que la police ajoute au déni de viol, l’outrage aux mœurs.
Adaptation d'une histoire vraie
Luttant contre un système perverti dont elle démonte les rouages, la réalisatrice Kaouther Ben Hania, caméra au poing, signe avec La belle et la meute un singulier thriller politique féministe, en adaptant une histoire vraie qui s’était déroulée post Printemps arabe, en 2012. Et avait fait l’objet d’un livre Coupable d’avoir été violée. Une scène traumatisante laissée hors-champ mais que l'auteure nous fait ressentir plus brutalement en montrant l’angoisse, l’impuissance, la détresse d’une Mariam confrontée aux chiens enragés.
Le danger est croissant dans ce métrage sous tension permanente. Il est filmé en neuf plans séquences constituant une sorte de chemin de croix pour l’héroïne, contrainte de se défendre désormais seule (on l’a cruellement séparée de Youssef), et sur qui le piège se referme à chaque étape. Jusqu’au bout ou presque…
Au-delà d’un instantané critique de la société tunisienne, Kaouther Ben Hania brosse un magnifique portrait de femme dans ce drame (douloureux écho à une actualité brûlante) porté par la formidable et bouleversante Mariam El Ferjani. Elle incarne si bien son personnage qu’on pourrait imaginer la voir vivre sa propre histoire.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 18 octobre.
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