Grand écran: "Le Redoutable", avec Louis Garrel dans la peau de Godard. Plus vrai que nature... (11/09/2017)
Il a eu l’audace, l’impudence plutôt relèvent quelques esprits chagrins outragés, de s’attaquer à la légende vivante de la Nouvelle Vague en crise existentielle et cinématographique pendant et après Mai 68. Une démystification fantaisiste de celui qui désacralisait tout. Avec un formidable Louis Garrel, plus Godard que nature….
Irrésistiblement drôle dans la peau du mythe, il en emprunte à la perfection le talent, le look, la démarche, l’accent traînant, la cruauté, la vanité, le discours outrancier, l’autodérision. Atout maître de cette comédie jouissive signée Michel Hazanavicius, l’acteur méritait le Prix d’interprétation lors du dernier Cannes, où le film concourait pour la Palme d’or. Le jury En a hélas décidé autrement
On est à Paris en 1967. Le soulèvement menace. Star de sa génération, universellement plébiscité pour ses films de l’époque, Jean-Luc Godard tourne La Chinoise avec Anne Wiazemsky, la petite-fille de François Mauriac (Stacy Martin, plus ravissante que charismmatique), de 16 ans sa cadette. Il en est follement amoureux et vice-versa. Mais le film est incompris, sinon vilipendé à sa sortie. Obsessionnellement préoccupé par sa propre révolution, Godard se remet alors en question, reniant son cinéma qui, à son avis, ne vaut plus rien comparé au tsunami de Mai 68.
S’inspirant de deux livres d’Anne Wiazemsky, Une année studieuse et Un an après qu’elle consacra à sa relation avec le génie de la pellicule, le réalisateur de The Artist et OSS 117 s’intéresse davantage au personnage et à l’homme qu’au cinéaste.
Il nous le montre au quotidien avec Anne, militant au côté des manifestants de Mai, pérorant à la Sorbonne, passant quelques jours à pester et à lire des polars sur les hauteurs de Cannes, où il a contribué à l’annulation du festival, contaminé par la fièvre contestataire.
Intellectuel condescendant et provocateur, odieux avec ses amis, mufle avec sa femme bien-aimée qui se détache de son pygmalion et qu’en macho jaloux et intransigeant il ne saura retenir, l’image qu’en donne Hazanavicius est certes a priori peu flatteuse.
Sans jamais oublier l'humour
Sauf que tout réside dans la façon tellement comique de la représenter, de l’exalter. Un humour à la Godard, avec un gag récurrent où l’icône en mal de regard nouveau ne cesse de casser ses lunettes, une scène inénarrable de dispute homérique à six dans une voiture, ou des blagues et des jeux de mots aussi bêtes que rigolos, Sans compter qu’il en fait un bon amant et le dote d’un physique assez avantageux
Du coup on se demande où certains critiques vont chercher une « démonstration empreinte d’un fiel sarcastique extrêmement amer… » C’est le contraire qui émane de ce portrait où, sous l’ironie faussement féroce, perce l’admiration. Voire la tendresse.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès le mercredi 13 septembre
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