Festival de Cannes: "The Square" du Suédois Ruben Östlund décroche la Palme d'or. Le jury rate la cible (29/05/2017)
Le jury a joué la surprise en décernant une Palme d’or peu attendue. Elle récompense The Square, l’histoire d’un directeur de musée soutenant de grandes causes humanitaires et incitant les visiteurs à l'altruisme. Jusqu’au jour où il se fait voler son portefeuille et son téléphone portable.
Un film dont l’ironie grinçante à l'égard du monde de l'art et des nantis culmine dans une scène hallucinante avec un être monstrueux effrayant le bourgeois. Mais qui se délite au cours d'une intrigue qui traîne en longueur.
« C’est un film formidable et une équipe formidable. J’espère que nous pourrons travailler encore ensemble », a déclaré le cinéaste en recevant la récompense suprême des mains de l’actrice Juliette Binoche. Il a fait pousser un cri de bonheur à l’assistance selon une tradition suédoise.
A notre avis pourtant le jury a raté la cible, la Palme devant revenir à 120 battements par minute du Français Robin Campillo, un film choral fort, bouleversant, évoquant la lutte contre le sida dans les années 90. Une œuvre rare s‘adressant autant au cœur qu’à l’intelligence, unanimement plébiscitée sur la Croisette. Son auteur doit toutefois se contenter du Grand prix .
Pedro Almodovar et ses complices ont par ailleurs sous-estimé Faute d’amour du Russe Andrey Zvyagintsev en ne lui attribuant "que" le Prix du jury. Il méritait d’être tout en haut du palmarès avec sa critique d'une société déshumanisée, à travers la disparition de l'enfant d'un couple moscovite. Un film coup de poing, brutal, implacable, glaçant, servi par une superbe mise en scène.
Le prix spécial du 70e anniversaire du Festival de Cannes est allé à Nicole Kidman (absente), deux fois en compétition, Mise à mort du cerf sacré et les Proies. La réalisatrice de ce dernier, Sofia Coppola, (pas là non plus) décroche injustement le Prix de la mise en scène avec le remake inutile, bien trop lisse et d’un intérêt mineur, du roman éponyme de Thomas Cullinan. Don Siegel l'avait déjà adapté en 1971. Mais on ne retrouve rien du côté équivoque, dérangeant, vénéneux de l’original dans la version édulcorée de l'Américaine.
Diane Kruger est sacrée meilleure actrice pour son rôle dans In the Fade, de Fatih Akin. Elle se glisse avec talent dans la peau d'une mère dévastée par la mort de son fils et de son mari dans un attentat à la bombe. C'est sa première partition dans sa langue natale, l'allemand. C'est aussi l'une des deux seules comédiennes à porter un film de bout en bout.
Bon lui aussi, Joaquin Phoenix rafle le Prix d’interprétation masculine. Dans You Were Never Really Here, de la Britannique Lynne Ramsay, Imposant, barbu, il joue un personnage au mental fracassé par une série de traumas remontant à son enfance.
L'opus permet également à son auteure de remporter le Prix du scénario. Evoquant le voyage au bout des ténèbres d’un ex-soldat et agent du FBI engagé pour sauver une mineure du milieu de la prostitution, le métrage secoue mais on lui reprochera une trop grande complaisance dans de terrifiants éclats de violence.
En revanche avec Mise à mort du cerf sacré le Grec Yorgos Lanthimos usurpe complètement ce même prix ex-aequo. Il met en scène un chirurgien marié et père de deux enfants s’occupant d’un ado à problèmes. Un thriller bien barré en forme de comédie macabre.
Une compétition assez décevante
Pedro Almodovar doit être satisfait de ses jurés. Les deux films Netflix, Okja du Sud-Coréen Bong Jong-Ho et The Meyerewitz Stories de l’Américain Noah Baumbach, que la plateforme n’envisage pas de montrer en salle même en cas de Palme d’or, sont repartis bredouilles. Logiquement d’ailleurs, à l’image d’autres concurrents dans une compétition globalement assez décevante.
En-dehors de quelques grands moments, on ne peut en effet pas prétendre que cette 70e édition dont on attendait énormément, laissera un souvenir impérissable. Pourtant on était parti sur les chapeaux de roue avec Faute d’amour d'Andrey Zvyagintsev et 120 battements par minute de Robin Campillo.
La compétition s'est ensuite poursuivie en dents de scie, sans émerveillement. A l'image du palmé The Square, (on oubliera Les proies et le ridicule Mise à mort du cerf sacré), on trouvait Jupiter’s Moon du Hongrois Kornel Mandruczo. Un film fantastico-mystique où un jeune migrant blessé par balles se découvre un étrange pouvoir de lé vitation.
Dans le ventre mou du concours, on a en revanche apprécié Le Redoutable de Michel Hazanavicius. Il a eu l’audace de s’attaquer au mythe Godard, légende vivante de la Nouvelle Vague, en crise existentialiste et cinématographique pendant et après Mai 68, suite à la mauvaise réception de La Chinoise. Une comédie jubilatoire et un Louis Garrel absolument irrésistible en JLG. Il n’a hélas pas convaincu le jury.
On aime bien également L'amant double de François Ozon, thriller érotique qui explore les tréfonds noirs et pervers de l'âme humaine, en mettant à nu Marine Vacth et Jérémie Renier.
Good Time de Josh et Benny Safdie se situe dans une honnête moyenne. Un homme cherche à faire sortir de prison son frère arrêté au cours d’un braquage qui a mal tourné. Avec Robert Pattinson méconnaissable.
Il y a aussi Rodin de Jacques Doillon qui nous enferme pour un processus de création dans l’atelier du génial sculpteur. Une mise en scène plombante dans une ambiance pesante d’où ne ressort aucune passion. Bien que Vincent Lindon s’investisse corps et âme dans son rôle.
Mais la plus grande déception vient de Michael Haneke, candidat à une troisième Palme d’or avec Happy End. Il se livre à une sorte de recyclage de son œuvre, centrée sur le manque de communication entre les gens et leur indifférence au monde. Avec des comédiens quasiment en roue libre.
De petites perles dans les sections parallèles
Bien qu’elle en constitue la colonne vertébrale, le Festival ne se limite pas à la compétition. A retenir trois films qui nous ont beaucoup plu. Dont deux dans la section Un Certain Regard: Barbara de Mathieu Amalric, qui veut ressusciter la célèbre chanteuse formidablement incarnée par Jeanne Balibar. Ainsi que L’atelier de Laurent Cantet
Le cinéaste propose l’histoire d’un groupe d’adolescents sélectionnés pour participer le temps d’un été à l’atelier d’un écrivain, Olivia, romancière à succès. Pour ces jeunes, l’objectif est d‘écrire un récit basé sur leurs propres vies et leur quotidien.Certains jouent le jeu d’autres moins.,
A La Quinzaine des Réalisateurs, Claire Denis séduit avec Un beau soleil intérieur, un scénario coécrit avec Christine Angot, qui signe également les dialogues. La réalisatrice se penche sur les affres d’Isabelle, peintre quinquagénaire divorcée et mère d’une petite fille, en quête désespérée du véritable amour. Juliette Binoche y est particulièrement belle et sexy.
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