Grand écran: "A German Life" pour lutter encore et toujours contre l'oubli (13/05/2017)
Morte à 106 ans le 27 janvier dernier à Munich, Brunhilde Pomsel a travaillé de 1942 à la fin de la guerre comme sténographe au service du ministre de la propagande Joseph Goebbels. Ce dernier témoin de la machine du pouvoir nazi vue de l’intérieur livre ses ultimes confidences dans A German Life (Une vie allemande), un documentaire autrichien réalisé par Christian Krönes, Florian Weigensamer, Roland Schrotthofer et Olaf S. Müller
On est impressionné, fasciné, par cette femme filmée en gros plan. Le visage parcheminé, à la peau de crocodile, le regard vif et clair, elle nous place face à l’histoire, nous renvoie à nous-mêmes en nous forçant à nous poser des questions sur ce que nous aurions fait. "Je ne suis pas le genre qui résiste. Je n’osais pas, je fais partie des lâches".
Comme nombre d'Allemands de sa génération, elle affirme n'avoir rien su des crimes nazis, en particulier des camps de concentration et d'extermination au coeur du génocide juif. "Tout le monde pense que nous savions tout. Nous ne savions rien, tout était gardé secret. Nous étions nous-mêmes dans un gigantesque camp de concentration", dit-elle en référence à la répression et à l'omnipotence de la police politique.
Un constat plus qu’un aveu de faiblesse de la part de Brunhilde Pomsel, éduquée à la dure, incarnant la majeure partie de ses compatriotes qui cherchaient simplement à mener leur vie. Pour qui la propagande était un boulot comme un autre. A 31 ans, elle a accepté le poste parce qu’elle était bien payée. "Je ne faisais que taper à la machine dans le bureau de Goebbels", Un homme qu’elle décrit comme "petit, mais qui se tenait bien et qui était gentil avec elle".
Ce film à quatre mains qui vous prend aux tripes est entrecoupé par des ’images d’archives reconstituant le discours de l’époque, mais également par les hésitations, les silences, les moments de réflexion de sa protagoniste, qui garde à son âge avancé une extraordinaire facilité à s’exprimer, à s'analyser. Elle ne cherche pas à se justifier, ni à se cacher, mais rappelle qu’il est facile de juger et de s’imaginer en résistant a posteriori.
On peut évoquer une autojustification tardive. Mais l’essentiel est ailleurs. Lutter encore et toujours contre l’oubli. Et c’est ce que voulait Brunhilde Pomsel. Dans un entretien en juin 2016 à l’AFP, elle assurait "avoir la conscience tranquille et s’être prêtée à ce documentaire pour informer la nouvelle génération de toutes ces choses comme il y a de moins en moins de témoins".
A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 10 mai.
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