Grand écran: "Aquarius" dénonce un Brésil gangrené à travers un somptueux portrait de femme (05/10/2016)
Sélectionné surprise en compétition au dernier Festival de Cannes, Aquarius, le deuxième long-métrage de Kleber Mendonça Filho avait été plébiscité, à l’image de Maren Ade et son Toni Erdmann. Mais, tout comme l’Allemande, le Brésilien était reparti les mains vides. L’équipe du film n’en n’avait pas moins profité de la fameuse montée des marches et son écho international pour brandir des pancartes, protestant contre la destitution de l’ex-présidente Dilma Roussef et comparant cet acte à un coup d’Etat.
Dans Aquarius, le réalisateur se penche sur le quotidien de Clara, issue de la classe moyenne aisée, et qui fut une critique musicale réputée à Recife, au cours des années 60 et 70. Aujourd’hui cette veuve sexagénaire et mère de trois enfants, possède le dernier appartement d’un immeuble qui n’a pas été racheté par un promoteur voyou. Mais il commence à la harceler pour l’obliger à vendre.
La combative obstinée et orgueilleuse Clara, une vraie résistante qui a notamment survécu à un cancer du sein et qui continue à jouir de l’existence comme bon lui semble, ne se laisse pourtant pas facilement déstabiliser. Elle est bien décidée à rester dans un leu désormais désert, mais qui contient toute sa vie entre ses souvenirs, sa collection de vinyles et ses livres. S’il est subtil et intelligent, le portrait que brosse le cinéaste n’est pas toujours flatteur, dévoilant un personnage impérial et digne, qui peut à l'occasion se révéler égoïste, sinon odieux.
Un pays miné par la crise, la spéculation, la corruption
Plus important, à travers la lutte de cette femme forte incarnée par la grande, magnifique, sensuelle et solaire Sonia Braga, le cinéaste livre une sorte de radiographie du Brésil. Evoquant plus largement un pays gangrené par un libéralisme agressif, il dénonce un capitalisme sauvage se traduisant par la crise, la spéculation, la corruption, les persistantes inégalités sociales.
En raison de son sujet et de la petite manifestation cannoise, Aquarius, fable fleuve en forme de chronique politique, avait été d’abord interdit aux moins de dix-huit ans, un âge qui a finalement été abaissé à 16 ans. Il a par ailleurs fait un véritable carton au Brésil et décroché deux prix au Festival Biarritz Amérique latine. Mais voilà qui ne lui a pas suffi pour représenter son pays dans la course aux Oscars.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 5 octobre.
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