Festival de Cannes: Almodovar, Assayas et les Dardenne entre culpabilité et chagrin (18/05/2016)
Malmené dans son pays pour son dernier film, Pedro Almodovar, par ailleurs empêtré dans le scandale de Panama Papers, est venu se rassurer Cannes, où Julieta a au contraire provoqué l’enthousiasme de la critique. De quoi espérer enfin une Palme d’or pour sa cinquième sélection en compétition, après avoir reçu en 1999 le prix de la mise en scène pour Tout sur ma mère et, en 2006, celui du scénario pour Volver, plus un prix collectif d'interprétation féminine?
Pas sûr pourtant que cela suffise à convaincre le jury. Julieta reste en-deça des meilleurs films de l’Espagnol, même si on aime ce portrait de mère en souffrance, brisée par l’absence de sa fille Antia qu’elle n’a pas vue depuis des années. Alors qu’elle a décidé de quitter Madrid, Julieta (Emma Suarez), la belle cinquantaine, professeur de grec passionnée par la mythologie, tombe par hasard sur Bea, l’amie d’enfance d’Antia qui lui dit l’avoir croisée quelques jours auparavant
Sous le choc, la mère change ses projets et, dans l’espoir, l’obsession de retrouver Antia, lui écrit ce qu’elle a gardé secret depuis toujours. Dès lors Pedro Almodovar déroule son film en flash-back, avec une Julieta jeune (Adrina Ugarte) en butte à une série de catastrophes, dont la mort de l’homme qu’elle aime.
Excellentes, les deux comédiennes qui tournaient pour la première fois sous la direction de Pedro Almodovar, font la force du film évoquant l’inéluctabilité de la perte des êtres chers. Traversé par un fort sentiment de culpabilité, il allie thriller psychologique, mélodrame et roman-photo.
Olivier Assayas hué
Si Pedro Almodovar a été bien applaudi lors de la projection de presse, ce n’est pas le cas d’Olivier Assayas, copieusement hué pour Personal Shopper, avec Kristen Stewart. Pourquoi tant de haine à l’égard de cette histoire de fantômes? On est certes un rien réservé, mais d’ici à parler de «naufrage embarrassant»!
D’autant que la jolie Américaine se révèle parfaite dans le rôle de Maureen. Installée à Paris, elle est chargée de la garde-robe d’une star, trop occupée pour faire des courses elle-même chez les bijoutiers et grands couturiers, prétexte à un petit défilé de arques…Par ailleurs medium, c’est le nœud de l’intrigue, Maureen cherche à communiquer avec Lewis, son frère jumeau décédé récemment d’une crise cardiaque. et dont elle dit sentir la présence
Olivier Assayas, surfant sur l’usage abusif du portable à coups de textos anonymes et nous emmenant dans des maisons hantées parle, à l’instar d’Almodovar, du chagrin éprouvé quand les êtres aimés nous quittent. Maureen est inconsolable dans ce thriller fantastique qui tient de l’exercice de style assumé mais un poil ennuyeux.
Les Dardenne mollement accueillis
Si une première palme n’est pas promise à Pedro Almodovar, ce n’est pas non plus dans la poche pour les frères Dardenne, qui eux visent le triplé avec La fille inconnue. Pas accueilli d’une façon aussi hostile que Personal Shopper, il n'a malgré tout eu droit qu'à des applaudissements mous. Accompagnés de quelques sifflets et de tweets peu charitables. Exaspérant, plat, fable trop prévisible, en demi-teinte…
Certes ce n’est pas du tout grand Dardenne, mais là encore le jugement est bien sévère pour l’histoire de Jenny, jeune médecin rongé par le remord pour avoir refusé d’ouvrir la porte de son cabinet à une jeune fille, retrouvée morte le lendemain matin. Apprenant de surcroît que la police ignore son identité, elle va tenter, toute seule, de la trouver.
Jusqu’alors centré sur les gestes et le quotidien d’un médecin généraliste chargé de former un stagiaire, le film qui livre, à l’instar de Pedro Almodovar une réflexion sur la culpabilité, bifurque vers une enquête policière qui n’est pas d’un intérêt majeur Reste que s’il laisse un peu sur sa faim, le dernier-né des Belges est porté par une Adèle Haenel remarquable enlevant le morceau par son jeu à la fois simple sobre, naturel et intense.
Julieta de Pedro Almodovar à l'affiche dans les salles de suisse romande dès mercredi 18 mai.
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