Grand écran: entre drame, thriller ou comédie, mes films préférés de 2015 (31/12/2015)
Le fils de Saul de Laszlo Nemes. Octobre 1944, camp d’extermination d'Auschwitz. Juif hongrois, Saul Ausländer est membre d'un des Sonderkommandos formés de déportés plus forts que les autres, recrutés par les nazis et forcés de les assister dans la macabre mise en œuvre de la solution finale. Avant d'être liquidés eux aussi.
Saul travaille dans un crématorium quand, au milieu des cadavres, il croit reconnaître celui de son fils. il est dès lors obsédé par l'idée de lui offrir une sépulture digne.
Laszlo Nemes plonge le spectateur dans l'innommable quotidien de son héros, remarquablement interprété par l'impressionnant Géza Röhrig, New-Yorkais d'origine hongroise. Cette immersion dans l'insoutenable vous secoue, vous touche d'une manière viscérale et vous laisse complètement sonné.
Foxcatcher de Bennett Miller
Pour assouvir ses rêves de grandeur, l’excentrique milliardaire américain John du Pont, patriote passionné de lutte gréco-romaine, décide de coacher deux champions de la discipline pour les JO de Séoul en 1988. Et met sur pied une luxueuse structure d’entraînement à Foxcatcher, la propriété familiale.
Bennett Miller s’inspire d’un fait divers fou vécu par les frères Dave et Mark Schuztz, médaillés d’or à Los Angeles en 1984 et qui formeront l’équipe choc de John du Pont. Le trio évolue dans une ambiance malsaine qui le conduit vers une fin tragique.
Le réalisateur s‘aventure au-delà du sport pour livrer un fascinant thriller psychologique à haute tension,.Avec Steve Carell méconnaissable en héros malfaisant, mégalo et Channing Tatum très convaincant en costaud fruste, névrosé et vulnérable.
Le pont des espions de Steven Spielberg
Brillant avocat, James Donovan (Tom Hanks), est engagé en 1957 pour défendre Rudolf Abel, un espion soviétique, qui écope de 30 ans de prison. Un an après l’édification du Mur de Berlin, un pilote américain est fait prisonnier par les Soviétiques. Donovan est chargé de négocier sa libération contre celle de Rudolf Abel.
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Dans son vingt-huitième long métrage, Steven Spielberg propose un récit historique virtuose, captivant et puissant, un drame humain au suspense efficace ainsi qu’une bluffante reconstitution d’époque où on revit par exemple comme si on y était la construction du Mur.
Il recrée également avec humour les tensions de ces années aux Etats-Unis et les considérables moyens sécuritaires déployés pour faire face à la hantise du communisme,
Imitation Game de Morten Tydlum
A la tête de grosses têtes en tous genres, le célèbre mathématicien britannique Alan Turing va aider les Alliés à remporter la Seconde Guerre mondiale en décryptant les codes d'Enigma, la fameuse machine utilisée par les nazis,et réputée inviolable jusque-là. .
Pour son premier long-métrage américain inspiré du livre biographique d'Andrew Hodges, le Norvégien Morten Tydlum raconte cette histoire, tout en se penchant sur la vie du pionnier de l'ordinateur. Persécuté pour son homosexualité, ce héros de guerre discret est retrouvé mort (suicide ou accident) par empoisonnement au cyanure le 7 juin 1954. Il avait 42 ans.
Benedict Cumberbatch, livre une remarquable prestation dans ce passionnant thriller en enfilant le costume d’un personnage hors norme, génial ancêtre de l'intelligence artificielle, réhabilité par la reine Elizabeth en 2013.
La loi du marché de Stéphane Brizé
Thierry, quinqua chômeur, marié et père d’un enfant handicapé, galère depuis vingt mois. Il finit par se retrouver vigile dans un supermarché, puis auxiliaire de sécurité, chargé d’espionner les clients chapardeurs potentiels et ses malheureux collègues mal payés tentés d’en faire autant.
Dans cette fiction sociale au froid réalisme documentaire Stéphane Brizé raconte l’histoire de la défaite programmée des exclus. En évoquant la brutalité du marché pour les pauvres qui deviennent toujours plus pauvres, face à l’indécence des gros qui ne cessent de s’engraisser sur leur dos. Un rôle sur mesure, pour l’excellent Vincent Lindon qui lui a permis de décrocher le prix de meilleur acteur à Cannes.
Back Home de Joachim Trier
Le premier film en anglais du cinéaste norvégien se déroule trois ans après la mort inattendue d’une célèbre reporter de guerre (Isabelle Huppert) dans un accident de voiture. Elle a plongé en plein chaos un mari (Gabriel Byrne) et deux garçons, un jeune adulte qui vient d’être papa et un ado en crise de 14 ans féru de jeux vidéo violents.
Leur chagrin est ravivé par la préparation d’une exposition à New York sur le travail de leur épouse et mère. Doublé d’un bouleversement avec la révélation d’un douloureux secret. Les trois se réunissent dans la maison familiale et Trier propose le points de vue de chacun sur le drame.
Le plus intéressant dans ce film parfaitement interprété, c’est la construction d’un récit hypnotique et troublant, morcelé entre rêves, flash-backs et regards différents reflétant la complexité de l’existence.
La belle saison de Catherine Corsini
Cécile de France et Izïa Higelin portent magnifiquement cette histoire d’amour homosexuelle bouleversante, joyeuse, sombre et mélodramatique entre Delphine, une jeune paysanne de 23 ans rêvant d’avoir sa ferme et Carole, une Parisienne de 35 ans alors en couple avec un homme et très investie dans le combat féministe des seventies.
Cette plongée dans ces années-là permet notamment à la réalisatrice de rendre hommage aux femmes engagées à la tête de la lutte pour l’égalité et l’émancipation, souvent dénigrées, insultées, traitées de mal baisées ou autres grossièretés du genre. Nombre d’entre elles étaient homosexuelles, ont pu se faire entendre et contribuer ainsi largement à faire avancer les choses sur les problématiques à la fois politiques et intimes.
Les cowboys de Thomas Bidegain
Fan de culture country, Alain est l'un des piliers d'une communauté du genre dans l'est de la France. Lors d'un rassemblement, il danse avec Kelly, sa fille chérie de 16 ans, sous le regard de sa femme et de son fils Kid. Peu après, tous trois s'aperçoivent soudain qu'elle a disparu. Alain se lance alors à sa recherche, parcourant le monde, sacrifiant tout, sa vie de famille, la jeunesse de son fils qu'il embarque dans sa quête enragée, obsessionnelle.
On découvrira à la fois la conversion de Kelly à l'Islam radical, l’impossibilité pour son père d’accepter de vivre sans elle et de s’adapter aux autres. La réussite de ce western moderne signé Thomas Bidegain, tient à sa mise en scène, sa photographie, ses décors, tout comme à ses interprètes, dont le formidable François Damiens.
L’homme irrationnel de Woody Allen
Abe Lucas, prof de philo à la ramasse, débarque sur le campus d’une petite ville américaine. Tentant de remplir le vide de sa vie avec le sexe, cet alcoolique désabusé et bedonnant entame d’abord une liaison avec une collègue en manque. Puis il passe à Jill, la plus jolie élève de sa classe attirée par cet érudit dépressif, qui a perdu foi en l’existence. Jusqu’à ce qu’il retrouve la joie de vivre dans le crime…
Une comédie romantique qui vire au polar, divertissante, sans prétention, où Woody Allen continue à soulever avec spiritualité, désinvolture, et cynisme les questions existentielles qui le passionnent .Côté acteurs, la sexy Emma Stone assure avec charme, tandis que Joaquin Phoenix, assume avec décontraction son imposant tour de taille et son penchant pour la bouteille.
Fatima de Philippe Faucon
Femme de ménage, d’origine marocaine Fatima vit seule dans la banlieue lyonnaise avec ses deux filles, Souad 15 ans, ado rebelle qui a honte du travail de sa mère, et Nesrine, 18 ans, étudiante en médecine. Les rapports entre elles et Fatima, qui maîtrise par ailleurs mal le français, sont compliqués, sinon conflictuels.
Mais elle ne se tue pas moins à la tâche pour leur assurer le meilleur avenir possible. Un jour, elle tombe malencontreusement dans un escalier. En arrêt maladie, elle décide de tenir un journal à l’intention de ses filles, écrivant en arabe ce qu’elle n’a pas pu ou ne peut toujours pas leur dire en français.
Ce tendre et émouvant portrait de femmes s'inspire du journal de Fatima Elayoubi, interprétée par Soria Zeroual, également femme de ménage.
Marguerite de Xavier Giannoli
Elle assassine Mozart mais ne s’en rend pas compte. Depuis des années Marguerite Dumont, baronne passionnée de musique, casse les oreilles du cercle d’habitués qui squattent son château. Mais les hypocrites feignent l’éblouissement pour mieux profiter de ses largesses.
Xavier Giannoli, s’inspire de la vie de la richissime Américaine Florence Foster Jenkins, une soprano culte à la voix fausse qui, grâce à son argent, se produisait et enregistrait des albums au début du XXe siècle. .
L’auteur a transposé, dans le Paris des années 20, une version ambitieuse. Elle repose essentiellement sur les épaules de Catherine Frot, tour à tour excessive, excentrique, ridicule, émouvante dans cette comédie tragique, qui est aussi une histoire d’amour.
Les nouveaux sauvages de Damian Szifron
Réalisateur, scénariste, créateur de Los Simuladores, une série télévisée très populaire dans son pays, l’Argentin Damian Szifron livre son troisième long-métrage produit par Pedro Almodovar.
Sur fond d’inégalité et d’injustice, de trahison, de déprime et de stress, le cinéaste critique en six histoires à l’humour noir corrosif et féroce une Argentine actuelle, où il explore la fragilité de gens confrontés à la réalité d’un quotidien aussi cruel qu’inattendu.
Face à des situations qui les dépassent, absurdes, inextricables, surréalistes, ses personnages perdent les pédales et finissent par péter les plombs. C’est jouissif.
Une seconde mère d'Anna Muylaert
Domestique depuis dix ans chez de riches Brésiliens de Sao Paulo, Val sert à la fois de bonne à tout faire, de nounou et de mère de substitution pour le fils de la famille qu’elle a pratiquement élevé. Abandonnant ainsi Jessica, sa propre fille, qui débarque après des années et ne se gêne pas pour bousculer la hiérarchie ambiante.
Anna Muylaert, propose un portrait de la société de son pays par le biais d’une comédie dramatique à rebondissements savoureuse, drôle et touchante. Se iivrant parallèlement au jugement sévère d’un hypocrite système de castes que rejette Jessica, symbole d’une jeunesse rétive à l’asservissement, la condescendance et l‘humiliation. .
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