Grand écran: "Les cowboys", quête enragée d'un père qui raconte le monde (23/11/2015)
Fan de culture country, Alain (François Damiens, photo) est l'un des piliers d'une communauté du genre dans l'est de la France. Lors d'un rassemblement, il danse avec Kelly, sa fille chérie de 16 ans, sous le regard attendri de sa femme et de son fils Kid. Peu après, tous trois s'aperçoivent soudain qu'elle a disparu.
Dès lors, Alain se lance à sa recherche, parcourant le monde, sacrifiant tout, sa vie de famille, la jeunesse de son fils qu'il embarque dans sa quête éperdue, enragée, obsessionnelle. On découvrira à la fois la conversion de Kelly à l'Islam radical par amour, l’impossibilité pour son père d’accepter de vivre sans elle et de s’adapter aux autres.
Les cowboys, qui résonne douloureusement face aux tragiques attentats du 13 novembre à Paris, débute en 1994 et se termine en 2005 est le premier long-métrage de Thomas Bidegain, scénariste attitré de Jacques Audiard pour qui il a notamment écrit Un prophète Grand Prix du jury à Cannes en 2009 et Dheepan, Palme d’or en mai dernier. Une fresque ambitieuse doublée d’un grand drame familial.
De passage à Genève peu après le festival cannois, Thomas Bidegain, sélectionné à la Quinzaine des réalidsateurs, nous expliquait la genèse de ce western moderne, où les protagonistes sont projetés dans le fracas du monde: "J'ai été rattrapé par l'actualité mais j'ai commencé à écrire il y a quatre ans. L'idée m'est venue petit à petit. J'avais entendu parler de ces communautés country dont les membres pensent qu'ils sont des cowboys et les musulmans des Indiens". En l’occurrence les kidnappeurs intégristes de Kelly sont les Indiens, les ennemis à abattre.
L’auteur (photo ci-contre) souhaitait ainsi évoquer les disparitions, le djihad. "Le film se situe à trois niveaux: une famille effondrée qui se délite, une fille qui l’a quittée et la façon dont son départ l’affecte ainsi que toute la communauté de ces cowboys du dimanche et l'histoire d'Al Qaïda, rythmée par les attentats à travers la planète. A commencer évidemment par la rupture essentielle qu’a représentée l’attaque des tours jumelles à New York. Puis celles de Madrid, de Londres".
Bien que tournant autour de la radicalisation et du terrorisme, Les cowboys rappelle la traque inlassable dans La prisonnière du désert de John Ford, ici représentée par Kelly. "J'ai repris ce canevas pour parler d'aujourd'hui. Le western donne l'état de la nation aux Etats-Unis. J'avais envie d'un état de la nation. A travers la quête dramatique d’un père, et celle d’un fils qui suit son père pour ne pas le perdre, je veux raconter le monde où une nouvelle étape a été franchie dans l'horreur, et la façon dont on va être forcé de voir les choses autrement". Thomas Bidegain ne se doutait pas alors à quel point la terrible actualité parisienne lui donnerait raison.
La réussite de cet opus qu’il s’agisse de la mise en scène, de l’écriture, de l’image, des décors, tient aussi bien sûr à ses interprètes, dont Finnegan Oldfield dans le rôle du fils, John C. Reilly dans celui d’un intermédiaire américain et surtout le principal, François Damiens, magnifique et impressionnant.
Stetson vissé sur le crâne, il incarne pour la troisième fois après Suzanne et Gare du Nord un père à la recherche de sa fille. "J'ai vu des choses chez lui que d'autres ne possèdent pas", remarque Thomas Bidegain. "C'est un comédien formidable, doté d'une présence très physique, d'une autorité, d'une beauté virile. J'en fais un personnage peu sympathique à qui il fallait apporter une humanité pour qu'il reste touchant".
A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 25 novembre.
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