Grand écran: "Une jeunesse allemande" retrace le parcours du groupe Baader-Meinhof (22/10/2015)

201510620_2_IMG_FIX_700x700[1].jpgFin des années 60 et début 70, une organisation d'extrême-gauche opère en Allemagne. C'est la Fraction Armée Rouge (RAF), appelée aussi la bande à Baader, ou encore le groupe Baader-Meinhof. Au départ, ces militants idéalistes exprimaient leur hostilité au système par des actions artistiques, littérature, cinéma, avant de virer au terrorisme.

Passant à la lutte armée, ils s'en prennent aux institutions du pays, au patronat ou à l'armée américaine, commettant des attentats meurtriers, des assassinats, des enlèvements, des vols. Avec pour objectif de détruire une société qu'ils jugent inhumaine et pourrie.

Avec son premier long-métrage documentaire, le réalisateur français Jean-Gabriel Périot, 41 ans, auteur d'une vingtaine de courts depuis 15 ans, retrace leur parcours dans Une jeunesse allemande, utilisant leurs images, leurs interventions médiatiques, leurs films, pour évoquer le glissement progressif vers la violence politique des fondateurs du mouvement, Ulrike Meinhof, le cerveau, restée une icône, Andreas Baader, sa compagne Gudrun Ennslin, Holger Meins et Horst Mahler. 
 
A son habitude, Jean-Gabriel Périot a uniquement construit son film avec des archives et des documents d'époque. Bannissant tout commentaire ou interview. "Mon but n'est ni d'apporter des réponses, ni de donner des clés, mais de laisser le spectateur se forger sa propre une opinion", nous explique le réalisateur de passage à Genève. "Mon point de vue personnel s'exprime dans la manière de montrer le parcours des membres de la RAF, de dire ils sont et dans quel monde ils vivent".

5ae315d1-cf0b-11e4-8228-8dc06776b895-thumb[1].jpgVotre travail consiste à questionner les processus autour de de la violence. Y-a-t-il du cynisme dans cette observation?

Non. Je le fais parce que je ne la comprends pas, mais qu'elle apparaît parfois nécessaire et, même si on le déplore, peut constituer la seule réponse.

Ne craignez-vous pas que votre manière de procéder, sans vox off, rende la lecture du film difficile à ceux qui ne connaissent pas les protagonistes ?

Je ne pense pas. Quand j'ai décidé de le réaliser, je ne connaissais moi-même rien de la Fraction Armée Rouge. J'ai donc essayé de le faire en tenant compte de ceux qui sont dans mon cas.

L’expression d'un désespoir croissant et pousse au crime fait-il écho pour vous à ce qui se passe aujourd'hui? Les membres de la RAF étaient-ils en quelque sorte les djihadistes d'hier?

Pour moi, il existe de vraies différences. Le passage à la violence à l'époque n'était pas aussi radical. C'était alors un moyen comme un autre, après avoir essayé  le cinéma, l'écriture, l'éducation et  le militantisme. La violence s'inscrivait dans des failles de la société. Elle posait des questions de fond.

Il est étonnant de constater à quel point la bande à Baader a saisi l'importance de l'image.

C'est un cas unique. Aucun groupe au monde n'a laissé autant d'images et donc de traces. Et ils étaient plusieurs, ce qui en représente un monceau. En tant que cinéaste, je suis sidéré par tout ce qu'ils ont produit. Cela m'a facilité la tâche.

Journaliste connue et reconnue, Ulrike Meinhof était régulièrement invitée à la télévision. Elle parlait même beaucoup et les intervenants l’écoutaient.

Effectivement. Il fallait s’adresser au public, prendre les espaces. Elle utilisait un langage simple, éprouvait une vraie estime pour le téléspectateur. En même temps, les membres du groupe ont parfois un côté potache, notamment Meins dans ses films, comme lorsqu'il préconisait l'emploi du grand quotidien Das Bild comme papier toilette. Il y avait chez eux quelque chose de sérieux et de pas sérieux, anar, bordélique. Par exemple ils étaient proches du FPLP qui les a entraînés dans un camp. Mais on ne les a pas gardés longtemps. Les filles faisaient de la bronzette…

Quels étaient leurs liens avec d'autres militants dans d'autres pays ?

Ils ont été soutenus dans les pays frontaliers. Mais il n'y avait pas de lien organique. Et en Allemagne ils étaient vraiment isolés. A mon avis l'isolement est un des facteurs qui les ont conduits à la lutte armée.

Arrêtés en 1972, on apprend qu'ils se sont suicidés en prison. D'abord Ulrike Meinhof en 1976, puis trois autres dont Baader, un an plus tard. Le gouvernement a été accusé par l'extrême-gauche d'avoir "orchestré leur assassinat".

J'ai énormément lu sur le sujet, rencontré des gens. Mais j'ai plutôt la sensation, très subjective, qu'Ulrike Meinhof s'est vraiment donné la mort. Celle de ses compagnons a certes eu lieu dans des conditions étranges. Le moins qu'on puisse remarquer, c'est que la gestion des prisonniers par les gardiens a été approximative.

A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 21 octobre.

17:50 | Lien permanent