Grand écran: Lionel Baier et la mort, le droit d'en sourire dans "La vanité" (29/09/2015)

la-vanite[1].jpgDavid Miller est un homme froid, hautain. Architecte à la retraite atteint d'un cancer, il a décidé d'en finir et prend une chambre dans un motel aussi isolé que décrépit. Esperanza, exubérante accompagnatrice espagnole d'une association d'aide au suicide le rejoint avec les substances létales.

Son fils ayant déclaré forfait, David convainc Tréplev, prostitué russe de la chambre mitoyenne, d'être le témoin de son dernier souffle. Une nuit mouvementée attend le trio disparate, avec les retournements d'une situation vitrant à l'absurde, rien ne se passant comme prévu.
 
Pour La vanité, comédie noire audacieuse en forme de méditation ironique sur la vie et la mort, Lionel Baier s'inspire d'une histoire vraie et d'un reportage télévisé sur le suicide assisté. "Je suis allé voir des accompagnatrices et des médecins pour connaître les procédures. A cet égard tout est juste, même si ensuite, je me suis autorisé quelques libertés", remarque Lionel Baer.

Mais l'idée était justement de faire un pas de côté, la thématique ayant été bien traitée par Fernand Melgar ou Stéphane Brizé. "Ici, l'euthanasie est prétexte à la recomposition d'un groupe à travers le destin d'un homme qui, croyant ne plus avoir de curiosité, découvre finalement qu'il lui reste de la curiosité du goût pour les autres".
 
"N’est drôle que ce qui est grave"

Au mur de la chambre du motel, reconstitution fidèle d'un bâtiment existant, est accrochée une reproduction des Ambassadeurs d'Holbein le Jeune, symbolique des "Vanités", ces œuvres d'art nous rappelant que nous sommes mortels. Mais le terme, qui donne son titre au film, recouvre aussi la vacuité, la prétention. Pour Lionel Baier, il y a une sorte de vanité à vouloir tout contrôler. "En même temps, je refuse d'être moralisant". 
 
Sans prendre une position claire sur le problème du suicide assisté, mais forçant le spectateur à se poser plein de questions, le réaiisateur joue ainsi sa petite musique, abordant un sujet tragique et complexe d'une façon légère, comique, ironique, un rien cynique. "C'est normal. N'est drôle que ce qui est grave, comme le prouvent les grandes comédies. L'humour est une soupape de sécurité et en l'occurrence me permet cette réflexion décalée sur la mort. Il faut la désirer très fort pour aimer la vie, pour qu’elle ait du relief".
 
Le personnage principal de ce huis-clos à la mise en scène impeccable, tourné en studio principalement par goût de l'artifice, c'est Patrick Lapp. Un comédien plus habitué des scènes et de la radio romandes que du grand écran. Lionel Baier lui a fait du sur mesure en lui laissant enfiler le costume d'un être suffisant, égoïste, désabusé.

«J'ai pris beaucoup de plaisir à tourner Les Grandes Ondes avec lui et j'ai eu envie de le retrouver. Le film a été écrit pour lui». Lapp donne la réplique à la grande Carmen Maura (photo), tout d’abord hésitante à accepter le rôle, mais très vite incapable de résister au charme de Lionel Baier, ainsi qu’à Ivan Georgiev. Excellents, tous les trois se révèlent aussi justes que naturels.

Film à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 septembre.

 

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