Cinéma: comblé, Vincent Lindon se confie après son sacre cannois (28/05/2015)

 

vincent-lindon-recoit-prix-3833-diaporama[1].jpgDire que Vincent Lindon est un homme heureux est un euphémisme. Depuis dimanche dernier et son prix de meilleur acteur au Festival de Cannes pour son rôle dans La loi du marché de Stéphane Brizé, il nage dans le bonheur.

Rencontré dans un grand hôtel genevois, le comédien évoque cette poussée d’adrénaline ressentie en entendant son nom sur la scène du Grand Théâtre Lumière. "C’était comme un choc, une détonation. A l’évidence la plus grosse émotion de ma carrière... mais pas de ma vie, sinon ce serait inquiétant".

-L'un des moments touchants lors de la cérémonie, ce furent ces mots à l’égard de votre réalisateur. "Il est à moi. Je vous le prête, mais il est à moi".

-C’était un raccourci, une manière de dire à tout le monde à quel point je l’aime. Stéphane est inouï. Un trésor. Il a une écoute incroyable des acteurs. Il adore être questionné, chahuté, remis en cause. S'il a certes énormément d’égo, il est bien placé. Mais j’ai tourné d’autres films entre les siens…

-Vous avez eu un véritable coup de foudre pour "La loi du marché". Quelle en a été la genèse?

-J’avais eu une idée en voyant un court-métrage qui m’avait beaucoup plu sur une dénonciation. J'en ai parlé à Stéphane qui a rebondi dessus. Puis il est parti dans l’écriture en réinventant tout et a créé le personnage pour moi.

-Avez-vous collaboré au scénario?

-Pas du tout. Bien sûr, comme nous sommes très liés, il m’arrivait de m'exprimer sur le plateau. Ou en dînant avec lui. On mange souvent ensemble.

-J’ai lu que pour vous il s’agissait d’un acte politique.

-Je ne le formulerais pas ainsi. Stéphane et moi faisons ce que nous pouvons, comme nous pouvons. C’est une manière de venir en renfort de la politique en espérant réveiller quelques consciences. Avec des films qui racontent un état du pays au moment où ils ont été tournés. En les voyant les gens se diront:  ça se passait comme ça. Ou hélas:  ça se passe toujours et encore comme ça...

-Une telle histoire peut-elle changer votre regard, votre comportement, votre façon de vivre ?

-La somme de plusieurs d’entre elles me laisse des choses, m’oblige à une certaine conduite. On m’a par exemple proposé de me ramener à Paris en jet privé. J’ai refusé. Non pas parce que j’avais honte, cela aurait signifié que j’en avais envie sans oser l’assumer, mais parce que ça m’aurait fait vomir de me voir dans cette situation. Je me fous de ces gens. C’est organique, ça ne me va pas. 

la-loi-du-marche-stephane-brize-le-lindon-de-la-force,M222694[1].jpg-Comment avez-vous abordé ce rôle de vigile contraint d’espionner à la fois les clients et les employés aux abois et tentés par le vol ?  En vous promenant dans les supermarchés ?

-Non, je ne me prépare pas en m’immergeant. Je chine, je rentre dans le fantasme. Je me demande comment je serais si j’étais lui. Stéphane me laisse prendre mon temps et j’essaye de vivre les choses comme dans la vraie vie.

-Vous êtes confronté à des non professionnels. Comment l’avez-vous ressenti? Ils sont plutôt bluffants.

-La question de pro et de non pro disparaît pour moi. J’ai toujours envie de dire qu’il s’agit de personnes jouant pour la première fois. Alors oui, en l’occurrence ils sont plutôt bluffants. Il n’empêche que je trouve cela réducteur. On ne cesse d’essayer d’être au plus près de l’existence des personnages qu’on incarne. Prétendre qu’ils nous bluffent signifie du coup qu’on n’y parvient pas.

-Une dernière question, Vincent Lindon. Vu ce que vous venez d’accomplir, cela ne risque pas d’arriver. Mais imaginons un instant que vous perdiez votre job. Jusqu’où accepteriez-vous d’aller pour le récupérer après vingt mois de galère?

-Si je le perdais ça n’aurait aucune espèce d’importance. Cela me manquerait sûrement un peu. Mais je ferais autre chose, du bien aux gens. J’adore fédérer, servir à quelque chose. Mon plaisir c’est de rassembler, plaider, convaincre. Evidemment, j’aurais envie d’un bon poste,  où les choses bougent...

"La loi du marché" à l'affiche dans les salles romandes depuis mercredi 27 mai. Voir ma note précédente.

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