Grand écran: le triomphe cannois de Vincent Lindon avec "La loi du marché" (26/05/2015)
Avec La loi du marché, Stéphane Brizé figurait parmi les dix-neuf concurrents en lice pour la Palme d’or cannoise. Un prétendant très sérieux. encensé par la critique internationale. Les Français le plaçaient même en seconde position derrière leur favori Mia Madre de Nanni Moretti.
Le jury, on le sait depuis dimanche soir, en a décidé autrement. Mais s'il a complètement négligé le film italien, il a tout de même réservé une reconnaissance de taille au français, en décernant à son héros Vincent Lindon le prix de l’interprétation masculine.
Bouleversant dans l'opus, l’acteur pleurant de bonheur l’a également été en recevant sa prestigieuse médaille. Avec des gestes et des mots qui marquent. Embrassant les présidents Coen et leurs jurés, Lindon a eu cette phrase d'une rare modestie: "C’est la première fois que je reçois un prix dans ma vie". De quoi chambouler le cœur des gens dans la salle, devant les télévisions et sur la toile.
Une émotion à la hauteur de ce sacre amplement mérité et conquis de haute lutte par ce comédien nommé à cinq reprises aux Oscars. Il est tout simplement grand dans La loi du marché, Un rôle sur mesure, l’un des meilleurs, sinon le meilleur. Seul comédien professionnel face à des amateurs exerçant en principe leur propre métier, il atteint le haut niveau en naviguant dans leur univers avec une rare aisance.
Il s'agit de sa troisième collaboration avec Stéphane Brizé, suite à Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps. "Il est à moi", a d’ailleurs déclaré Vincent Lindon en parlant de son réalisateur. "Je vous le prête mais il est à moi… "
Fiction sociale au froid réalisme documentaire
On comprend qu'il veuille garder le talentueux cinéaste pour lui. Entre chômage, précarité, lutte et humiliations, Brizé se fait le formidable témoin des difficultés dans lesquelles se débattent nombre de ses contemporains. Thierry, quinqua sans emploi, marié et père d’un enfant handicapé, galère depuis vingt mois. Il finit par retrouver un travail dans un supermarché. D’abord comme vigile puis comme auxiliaire de sécurité, chargé d’espionner les clients chapardeurs potentiels de bricoles et ses malheureux collègues mal payés éventuellement tentés d’en faire autant.
Une façon de les licencier en toute bonne conscience, la confiance étant rompue… Thierry tente de jouer le jeu. Mais trop c’est trop et ce job le met rapidement face à un dilemme moral. Jusqu’où peut-il aller pour conserver son poste, même décroché grâce à un vrai parcours du combattant?
Dans cette fiction sociale au froid réalisme documentaire et au filmage particulier qui laisse par exemple une assez large place aux caméras de surveillance de l’établissement, Stéphane Brizé raconte l’histoire de la défaite programmée des exclus. En évoquant la brutalité du marché pour les pauvres qui deviennent toujours plus pauvres, face à l’indécence des gros qui ne cessent de s’engraisser sur leur dos.
Plongée dans un quotidien âpre
Opérant une plongée dans ce quotidien âpre, il dissèque, entre rendez-vous stériles, entretiens d’embauche inutiles ou séances de formation plus ou moins dégradantes, les dérives d’une société dépourvue de solidarité, où l’absence d’état d’âme et l’inhumanité le disputent à la mesquinerie et à la cruauté ordinaire de petits chefs avides de plaire au patron.
Film à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 27 mai.
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