Festival de Cannes: Lanthimos décoiffe avec "The Lobster", Moretti émeut et Gus Van Sant déçoit (16/05/2015)
Au quatrième jour de la compétition cannoise, un petit tour d’horizon s’impose. Avec quelques titres qui se dégagent déjà. Outre Le fils de Saul du Hongrois Lazslo Nemes, The Lobster appartient à cette catégorie de films qui font vivement réagir.
Et pour cause en l’occurrence. Son auteur Yorgos Lanthimos, féru de l’étrange, primé en 2009 ans Un Certain Regard pour Canine, nous emmène à nouveau dans un monde bizarroïde, dystopique et décalé.
Dans un futur proche, tout célibataire est arrêté, transféré dans un hôtel et a 45 jours pour trouver l’âme sœur. Ce qui n’est pas simple, car il faut se ressembler, par exemple être tous les deux myopes, boiter ou saigner du nez pour avoir le droit de s’aimer. Passé ce délai, le célibataire sera transformé en l’animal de son choix. La plupart de ceux qui n’ont pas trouvé chaussure à leur pied optent pour le chien. Interrogé sur ses préférences par la réceptionniste, l’un des résidents se décide en faveur du homard.
Cet homme c’est David, que l'on va suivre pendant son séjour et qui, pour échapper à ce destin cruel suite à une douloureuse et infructueuse expérience, réussit à s’échapper. Il rejoint dans les bois un groupe de rebelles les Solitaires, chez il est interdit de tomber amoureux, sous peine de devoir creuser sa propre tombe. .
Avec cet ovni en forme de comédie noire bien barge sur fond de drame intimiste, le cinéaste grec se livre à la critique féroce d’une société deshumanisée, engoncée dans le conformisme et le puritanisme, bannissant la différence et en gros les marginaux. Un monde aveugle, illustré par une scène symbolique qui se déroule heureusement hors champ.
Colin Farrell contribue largement à la réussite de ce film aussi original que grinçant et incongru. Moustachu à lunettes maladroit, introverti, peu à son avantage avec sa petite brioche, il livre l’une de ses meilleures performances. A ses côtés, on trouve notamment Léa Seydoux en chef de guerre.
Nanni Moretti très applaudi
Autre film qui a recueilli des applaudissements nourris à l’issue de la projection de presse, Mia Madre de Nanni Moretti, palme d’Or en 2001 pour La chambre du fils et sélectionné en concours pour la dixième fois.
Evitant tout pathos, jouant sur la sobriété et la simplicité, il a ému la Croisette en déclarant son amour à sa mère et au cinéma. Il brosse le portrait d’une réalisatrice pleine de doutes, qui tourne un film avec une star venue des Etats-Unis, tout en rendant visite à sa mère hospitalisée sur le point de mourir.
La cinéaste en proie à ses questionnements existentiels et artistiques n’est autre que l’alter ego de Moretti, qui joue ici le frère de son héroïne remarquablement incarnée par Margherita Buy. On est un peu moins fan de John Turturro qui certes détend l’atmosphère, mais en fait des tonnes dans le rôle de la vedette américaine mégalomane et survitaminée. Certains ne parlent pas moins déjà de récompense suprême.
Gus Van Sant copieusement hué
Grosse déception en revanche avec le dernier Gus Van Sant The Sea Of Trees L'un des deux seuls Américains en lice pour la Palme a raté son coup, avec l’histoire d’un homme venu se suicider comme tant d’autres avant lui dans la vaste forêt japonaise Aokighara,au pied du Mont Fuji.
Loin d’être à la hauteur de ses ambitions, Gus Van Sant livre curieusement une niaiserie sentimentale et tire-larmes au scénario laborieux, qui lui a valu de copieux sifflets. On a même rarement vu un film aussi mal reçu par la critique. Matthew McConaughey et Naomi Watts en prennent aussi pour leur grade.
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