Grand écran: "Le Président", un plaidoyer pour la paix et la réconciliation (17/03/2015)
Un dictateur vieillissant mène son pays à la baguette, vivant avec son indécente famille dans un luxe vulgaire et clinquant, tandis que son peuple croupit dans la misère. Mais lors d’un violent coup d’Etat, il devient l’homme le plus recherché du pays. Fuyant avec son petit-fils de cinq ans, il cherche à rejoindre la mer où doit les attendre un navire.
Leur cavale débute en voiture, puis ils volent une mobylette et terminent leur échappée à pied. Déguisés en musiciens des rues, ils sont forcés de se confronter à la souffrance et à la haine que le président honni a provoquées.Leur cavale débute en voiture, puis ils volent une mobylette et terminent leur échappée à pied. Déguisés en musiciens des rues, ils sont forcés de se confronter à la souffrance et à la haine que le président honni a provoquées.
Exilé depuis longtemps à Londres, le réalisateur iranien Mohsen Makhmalbaf, réinterprète à sa façon, dans ce conte en forme de comédie dramatique, les révolutions du printemps arabe. Ainsi que les problèmes du passage à la démocratie pour les pays dans lesquels elles ont éclaté ces dernières années. Tout n’est pas réussi dans cet opus un peu longuet et parfois simpliste dans la manière de raconter la détresse d’une population sous le joug d’un tyran, mais il a le mérite de militer pour la paix et la réconciliation.
"Le conte est un moyen d’appliquer le film à la réalité. Lorsque c’est abstrait, on peut mieux s’identifier", nous confie le réalisateur (photo) lors d’une récente rencontre à Genève dans le cadre du Festival des droits humains. "J’ai écrit le scénario il y a huit ans, par rapport au gouvernement d’Afghanistan. Puis je l’ai modifié pour que cela reflète les révolutions".
De nombreux pays ayant refusé qu’il tourne chez eux, c’est en Géorgie, pays fictionnel dans le long-métrage, qu’il est allé planter sa caméra. « il y a une belle énergie du cinéma en Géorgie et on trouve beaucoup de jeunes réalisatrices qui ont fait de très bons films »
-Le Président, condensé de plusieurs représentants du genre, le shah, Hussein, Khadafi, démarre comme une farce caricaturale avec ce dirigeant qui veut montrer l’étendue de son pouvoir en faisant allumer et éteindre les lumières de la ville. Pourquoi ce parti pris ?
-Il ne fallait pas que cela débute de façon tragique. Si on rit d’abord, on pleure plus facilement après. Je montre le côté joyeux et ensuite ce n’est que de la tristesse. Au commencement il y a plein de couleurs, du monde, et plus on avance, plus les choses deviennent ternes. Vers la fin, il n’y a plus personne et c’est tout gris. C’est un voyage de beaucoup de choses vers d’autres choses.
-Le dictateur est voué à une déchéance progressive et à une obligation de rencontrer son peuple. Agissez-vous en moraliste?
-Oui. Je souhaite qu’on puisse envoyer ce film à tous les pays pour que cela réveille les consciences. La plus importante des pertes c’est la moralité. On ne peut pas dire que les présidents soient illettrés ou incapables. Ce qui leur manque c’est la moralité. Et ce qui manque au peuple, c’est la culture.
-Le message que vous délivrez est clair. La violence engendre la violence. Une escalade infinie. Mais peut-il en être autrement ?
-Qu’est-ce qui déclenche cette violence? C’est de ne pas pardonner. Après la chute d’un régime, les gens se vengent et ceux qui ont été portés au pouvoir s’y accrochent par tous les moyens, quitte tuer à leur tour. Et c’est l’engrenage infernal. Il faut apprendre au peuple à pardonner. C’est possibl. Gandhi et Mandela sont arrivés à changer deux pays.
-Vous nous laissez voir les choses à hauteur d’enfant. Est-ce pour augmenter la portée du film ?
-L’une des raisons est que l’enfant joue plusieurs rôles. Par ailleurs, lorsqu’on met un être innocent face à un personnage cruel, la férocité n’en devient que plus visible et cela renforce la dimension humaine. C'est c que je souhaite.
Film à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 18 mars.
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