Grand écran: Clint Eastwood déclenche la polémique aux Etats-Unis avec "American Sniper" (17/02/2015)
Chef d’œuvre pour les conservateurs américains de tout poil et Michelle Obama qui a clamé son admiration, dangereux pamphlet guerrier ultra-nationaliste de propagande pour d’autres.
Aux Etats-Unis, Clint Eastwood de retour à 84 ans sur les écrans, provoque une polémique comme il n’en avait plus connu depuis la saga des Dirty Harry, qui lui avait valu au mieux une réputation de réac belliqueux.
Certains critiques n’avaient en effet pas hésité à qualifier de fasciste celui qui avait endossé le costume de l’inspecteur le plus populaire de l’époque.
Le film par lequel par lequel la véhémente controverse est arrivée, c’est American Sniper, film de guerre aux airs de western, où le réalisateur raconte l’histoire vraie de Chris Kyle, militaire texan ayant servi pendant six ans dans l’armée et envoyé en Irak pour protéger et sauver ses camarades. Avec une réussite si spectaculaire qu’il a été surnommé «La Légende».
Durant ses quatre missions entre 2003 et 2009, ce redoutable tireur d’élite des Navy Seal dont il a appliqué sans faiblir la devise «pas de quartier !» a descendu quelque 160 ennemis de l’Amérique. Avant de tomber lui-même, en 2013, sous les coups d’un compagnon qu’il avait aidé.
Nominé pour six Oscars
Si American Sniper qui exalte le patriotisme et le mythe du héros divise en déclenchant une vague de critiques, il affole en tout cas le box-office avec des centaines de millions de dollars de recettes depuis sa sortie. Tandis que l’opus est nominé six fois aux Oscars, dont meilleur film et meilleur acteur pour son principal protagoniste Bradley Cooper. Très crédible par ailleurs avec sa masse musculaire et son accent traînant.
Au début du film, parallèlement à une scène de guerre édifiante, flash back sur l’enfance de Chris Kyle, élevé dans la défense du faible et le culte des armes à feu. Sa première proie est un cerf qu’il tue d’un tir magistral en chassant avec son père, pour qui l’humanité se répartit en trois groupes: les loups, les moutons et les chiens de berger. Chris opte pour cette dernière solution.
Les années passent et le viril trentenaire, ne sachant trop que faire de sa vie, décide d’aller jouer les chiens de berger en Irak, où protéger ses potes devient une véritable obsession. Alors il presse la gâchette. Encore et encore. La répétition du geste, d’une précision chirurgicale, agit comme une drogue. Au point qu’il du mal à retrouver ses esprits et reprendre pied dans la réalité au cours de ses brèves permissions. Faisant le malheur de sa femme (Sienna Miller) rencontrée et épousée juste avant son départ.
Comme d’habitude, rien à dire sur la forme, à l’exception peut-être de ces allers et retours symboliques entre le mariage, la famille et le front. C’est plutôt sur le fond, ambigu, qu’on s’interroge. A son corps défendant, tant on aime le «dernier des géants» hollywoodiens.
Clint Eastwood nous montre le courageux Chris Kyle l’œil vissé à sa lunette de son fusil, sans état d’âme, dans son bon droit, ne se posant aucune question, ne se trompant jamais, atteignant toujours l’objectif, avec chaque fois une bonne raison d’abattre l’ennemi. Même s’il s’agit de femmes ou d’enfants. Logique puisqu’ils nous sont montrés prêts à balancer le feu sur ses frères d’armes. Son seul regret, ne pas avoir bousillé davantage d’ennemis, ce qui lui aurait permis de sauver plus de compatriotes.
Alors certes, le film évoque l’aveuglement d’une machine à tuer, les affres psychologiques d’un homme accro à la guerre, à l’évidence victime de stress post-traumatique. Mais Clint Eastwood ne cherche pas moins, au final, à prouver que le sniper d’exception, cow-boy solitaire moderne, mérite amplement son statut de héros légendaire. Assumant sa glorification et espérant de surcroît que les gens reconnaissants se souviendront de ses sacrifices et de ceux d’autres combattants qui ont tant donné pour leur patrie. Vous avez dit propagande?
Film à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 18 février.
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