Grand écran: "Foxcatcher", un thriller à haute tension. Fascinant, ambigu, toxique (20/01/2015)

foxcatcher-channing-tatum-steve-carell[1].jpgPour assouvir ses rêves de grandeur et prouver à sa mère castratrice, hautaine et cruellement jugeante, qu’il peut mener à bien un ambitieux projet, l’excentrique milliardaire américain John du Pont, grand patriote, ornithologiste à ses heures et passionné de lutte gréco-romaine, décide de coacher deux champions de la discipline pour les JO de Séoul en 1988. Dans cette optique, il met sur pied une luxueuse structure d’entraînement à Foxcatcher, la somptueuse propriété familiale. 

Le réalisateur Bennett Miller s’inspire d’un fait divers authentique, complètement fou, vécu par les frères Schultz, Dave et son cadet Mark, tous deux médaillés d’or à Los Angeles en 1984. Après leur triomphe ils traversent une mauvaise passe, et c‘est alors que John du Pont fait appel à eux pour former son équipe de choc.

Un magnat cyclothymique

Tout d’abord Dave refuse. En revanche Mark, souffrant de rester dans l’ombre de son aîné, flatté de l’attention que lui porte le rejeton de la puissante dynastie, attiré par son monde, accepte et emménage chez lui. Ce dernier s’improvise entraîneur, mentor et père de substitution pour son poulain avide de lui plaire.  

Une relation filiale aussi trouble que toxique se développe entre les deux hommes (photo). Parano et manipulateur, John du Pont (Steve Carell) pousse Mark (Channing Tatum) à des comportements  nuisibles à l’entraînement d’un sportif d’élite déjà fragilisé par un manque de reconnaissance et des blessures d’enfance.

Du coup le cyclothymique magnat se tourne vers Dave (Mark Ruffalo) dont il envie une assurance que sa fortune ne pourra jamais lui procurer. Le trio évolue dans une ambiance malsaine qui le conduit inéluctablement vers une fin tragique.

foxcatcher-channing-tatum-mark-ruffalo1[1].jpgComme dans Le stratège, avec Brad Pitt, Bennett Miller s‘aventure au-delà du sport pour livrer un fascinant thriller psychologique à haute tension, glaçant, ambigu, en forme de tragédie grecque. Foxcatcher, qui avait logiquement obtenu le prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes,  tant elle séduit par sa force, jouit également d’un bon scénario et d’une excellente interprétation.

A commencer par celle d’un Steve Carell à contre-emploi, très loin des rôles comiques qui lui sont habituellement confiés. Alors que le cinéaste exploite le côté obscur des besoins de pouvoir de ce héros malfaisant, redoutable, fantasque et mégalo, le comédien apparaît méconnaissable avec sa tête d’oiseau, ses cheveux grisonnants, sa prothèse nasale, son menton déformé, ses dents jaunies.
 
A ses côtés le ténébreux Channing Tatum se montre très convaincant en lutteur à la fois fruste, costaud, névrosé et vulnérable. Tout comme Mark Ruffalo, impeccable en frère protecteur et rongé par l’inquiétude (photo).

Film à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 janvier.

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