Cinéma: "Le procès de Viviane Amsalem", kafkaïen divorce à l'israélienne (19/08/2014)
Après Prendre femme en 2004 inspiré de leurs parents et de leur enfance, puis Les 7 jours en 2007, sur comment vivre ensemble en famille, Shlomi et Ronit Elkabetz proposent Le procès de Viviane Amsalem, dernier volet de la trilogie.
Frère et sœur qui s'adorent se penchent sur le douloureux problème du divorce en Israël, uniquement prononcé par les rabbins en vertu de la législation talmudique. Pour autant que le mari, détenant plus de pouvoir que les juges en la matière, donne son accord.
Un huis-clos étouffant
C’est ainsi que depuis trois ans, Viviane lutte farouchement pour conquérir une liberté qu’ Elisha lui refuse obstinément pour ne pas devenir la honte du lieu. Cela donne lieu à un huis-clos étouffant en forme de guerre de tranchées entre les deux conjoints dans un petit tribunal austère aux murs blancs, où les deux réalisateurs dénoncent l’absurdité d’une situation kafkaïenne.
Au tragique de plus en plus grotesque se mêlent quelques touches d’humour, notamment amenées par un pittoresque défilé de témoins. Des protagonistes qui semblent sortis d’une comédie italienne, voisines à l'évidence compatissantes et compréhensives, mais contraintes dans leurs déclarations, compagnons de synagogue d’Elisha et spectateurs acquis à la cause masculine.
La malheureuse héroïne, à qui la remarquable, belle et sauvage Ronit Elkabetz, considérée comme la Magnani israélienne prête son visage, a évidemment le plus grand mal à se faire entendre face aux trois rabbins juchés sur une estrade. Hypocrites et sentencieux, ils cherchent à gagner du temps en repoussant sans cesse leur décision sous de fallacieux prétextes, pour éviter la nuisance que causerait l’éclatement d’un foyer.
Le procès d'un pays
Au-delà du Procès de Viviane Amsalem, ce film passionnant, tendu et plein d’émotion, métaphore de la condition des femmes dans le monde, fait aussi celui d’un pays où il n’existe pas de séparation entre les lois civiles et religieuses, Et où l’inégalité règne à tous les niveaux.
Avec en l’occurrence deux chiffres éloquents. «Si les femmes peuvent aussi refuser le divorce à leur mari, elles sont 200.000 en attente d’une séparation contre… trois hommes», nous apprenait Shlomi Elkabetz de passage à Genève.
«C’est ce que nous avons voulu montrer à travers ce cas exemplaire. Exposer aux yeux du monde la situation terrible dans laquelle elles se trouvent, attendant parfois pendant vingt ans qu’on les libère enfin d’un mariage dont elles ne veulent plus, d’un homme qu’elles ne supportent plus, qu’elles n’aiment plus.» A l'image d'Elisha dans l'opus, interprété par l'excellent Simon Abkarian (photo).
Peut-être que grâce à ce film, les choses pourraient éventuellement commencer à bouger. Par exemple en créant le débat. Du moins Shlomi l’espère-t-il avec sa sœur Ronit. Tous deux savent pourtant que le chemin est encore long dans ce pays considéré comme le plus démocratique du Moyen-Orient, mais qui se révèle identique aux autres en continuant à appliquer des règles vieilles de 4000 ans ».
Film à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 20 août
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