Festival de Cannes: Les jeux sont faits, mais à qui la Palme d'Or? La bouteille à encre! (23/05/2014)
C'en est terminé pour cette 67e compétition cannoise qui ne fut pas d’un cru exceptionnel. D’où la difficulté de parier avec une quasi certitude sur la Palme d’Or. Car même si Mommy de Xavier Dolan a électrisé la Croisette, le courant n’est pas aussi fort que celui qui avait irrésistiblement emporté La vie d’Adèle vers les sommets l’an passé.
Quelques autres prétendants se détachent comme Deux jours, une nuit des frères belges Dardenne (photo) et Winter Sleep du Turc Nuri Bilge Ceylan qui séduisent encore davantage les critiques, ou encore Timbuktu du Mauritanien Abderrahmane Sissako, qui fait aussi bien. Bref, abondance de biens nuisant à l'excellence, c'est la bouteille à encre.
Et malheureusement les derniers films en lice n’ont pas permis de changer la donne. A l’image de l’ultime, Sils Maria signé Olivier Assayas et tourné, comme son titre l’indique, dans les Grisons. Il met en scène Juliette Binoche et Kristen Stewart. La première incarne une comédienne, Maria Enders, et la seconde son assistante Valentine, qui lui donne la réplique côté cour et côté jardin. Avec également Chloé Grace Moretz.
La Croisette divisée
A 18 ans, Maria Enders a connu un gros succès au théâtre en jouant, dans une pièce de Wilhelm Melchior, la jeune et ambitieuse Sigrid, qui pousse au suicide Helena, une femme mûre. Vingt ans plus tard Maria Enders se voit proposer de reprendre la chose, mais cette fois dans le rôle d’Helena.
A l’image d’autres opus en concours, Sils Maria, qui mêle références nietzschéennes, rapport au passé et réflexion sur l’âge, divise fortement la Croisette. Ceux qui ont aimé et crient à la Palme d’Or évoquent un excellent scénario tandis que les détracteurs de l’opus avouent s’être ennuyés comme des rats morts. Comme souvent dans ces cas là, la vérité sse situe quelque part au milieu. .
Leviathan montre une Russie minée par la corruption
La veille, le Russe Andrey Zvyagintsev opérait son retour en compétition six ans après Le bannissement, Dans Leviathan, il évoque une Russie minée par la corruption et dont les habitants noient leur désespoir dans des litres de vodka. Dont le personnage principal, Kolia, un garagiste menant une vie tranquille entre sa femme et son fils d’un précédent mariage, mais dont l’existence est détruite par l’odieux maire de son village qui le dépouille de tout, son terrain, sa maison, son garage.
Son combat illusoire pour récupérer ses biens révèle un quotidien où règnent en maîtres le chantage, les menaces et la violence physique contre les individus qui refusent de plier devant l’autorité. Mais après une première partie intense où le réalisateur se livre courageusement à une critique implacable du régime de Poutine, il s’embourbe malheureusement dans une histoire confuse d’adultère. En dépit d’une excellente mise en scène et d’une belle interprétation, cela finit par plomber l’ensemble.
Ken Loach déçoit avec Jimmy’s Hall
Pas trop convaincant non plus le dernier Ken Loach, Jimmy’s Hall, qui raconte l’histoire vraie de Jimmy Gralton, un leader communiste irlandais, symbole de la résistance, exilé aux Etats-Unis et qui revient chez lui en 1932, dix ans après la guerre civile.
Il y trouve un pays certes indépendant mais où ceux qui croient en une révolution politico-sociale se heurtent à l’Eglise et aux pontes locaux. En dépit de la pruderie ambiante, Jimmy décide la réouverture d’un dancing à vocation éducative et culturelle qui déplaît fortement aux autorités précitées.
Un film engagé, comme toujours chez Ken Loach, Palme d’Or en 2006 pour Le vent se lève, mais qui déçoit un peu, bien que certains estiment qu’il écrase la concurrence. A relever toutefois la présence de l’acteur principal Barry Ward (photo), charismatique et plutôt beau gosse.
Le mélo tire-larmes de Michel Hazanavicius
Mais voilà. Comme d’habitude le journaliste propose et le jury dispose. Il pourrait aussi bien s’enthousiasmer pour The Search de Michel Hazanavicius, oscarisé il y a deux ans pour The Artist. Changeant complètement de registre, il s’est lancé dans un film de guerre dont l’action se situe pendant la seconde guerre de Tchétchénie, en 1999.
Ce remake très libre d’un long-métrage de Fred Zinneman sorti en 1948 Les anges marqués, montre en parallèle le destin un gosse tchétchène traumatisé par l’exécution de ses parents sous ses yeux, contraint à l'errance puis recueilli par une humanitaire, et celui d’un jeune Russe enrôlé dans l’armée qui en fait une bête sauvage.
N’ayant pas les moyens de son ambitieux projet, Michel Hazanavicius nous fourgue un interminable drame à faire pleurer dans les chaumières, dégoulinant de bons sentiments. La presse a sifflé l’œuvre mais le public l’a ovationnée. Alors sait-on jamais? Surtout avec cinq femmes dans le jury, comme l’ont relevé quelques machos de service…
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