Cinéma: "Aimer, boire et chanter", ultime fantaisie de l'artisan Alain Resnais (25/03/2014)

Cinema_pics_809[1].jpgPour la troisième fois après Smoking/no Smoking et Cœurs, Alain Renais adapte une pièce du dramaturge Alan Ayckbourn,  Aimer, boire et chanter. Un film au parfum délicieusement british. En principe cela n’a rien d’étonnant vu qu’il se déroule de surcroît dans la campagne du Yorkshire, mais encore fallait-il en imprégner la pellicule.  

Cette comédie s’articule autour d’un homme, l’énigmatique George Riley, n’ayant plus que quelques mois à vivre. Ce qui bouscule le quotidien de trois couples amis. Bien qu’absent de l’image, il monopolise les conversations entre les six personnages dans cette nouvelle réflexion sur la mort que propose le cinéaste, faisant étrangement écho à son propre décès survenu récemment, à l’âge de 91 ans. 

Titre épicurien, Aimer, boire et chanter sonne en outre comme un leurre, plus particulièrement  dans sa première proposition, étant donné que les hypocrites protagonistes ne cessent de se trahir. Plus particulièrement les trois femmes, Tamara, Monica et Kathryn (Caroline Silhol, Sandrine Kiberlain, Sabine Azéma, photo) sur qui le mystérieux George exerce une redoutable séduction, promettant à chacune de l’emmener en vacances à Tenerife. Une invitation provocante, source de situations jubilatoires.  

Dans des décors extérieurs tape-à-l'oeil et kitsch, formés de panneaux verticaux de couleurs différentes combinés avec des dessins de Blutch, Alain Resnais installe un de ces dispositifs scéniques qu'il affectionne, détournant une dernière fois sans complexe les codes pour abolir, beaucoup plus joyeusement que dans Vous n’avez encore rien vu, la frontière entre cinéma et théâtre.

L’artisan du septième art livre ainsi un opus inventif, bizarroïde, audacieux, qui lui a valu, lors de la Berlinale en février, le Prix Alfred Bauer récompensant l’ouverture vers de nouvelles perspectives dans l’art cinématographique. Il assume pleinement une distance ludique jusque dans la tombe alors qu’on lui reproche étonnamment le contraire.

A l’évidence Alain Resnais s’amuse dans ce vaudeville plein d’humour et d’autodérision, d’émotion aussi, aux dialogues drôles, révélateurs, incisifs, caustiques, sinon parfois cruels. De quoi se délecter pour ses acteurs fétiches ou fidèles, de sa compagne Sabine Azéma évidemment à André Dussolier, en passant par Sandrine Kiberlain ou Hippolyte Girardot.


Film à l’affiche en Suisse romande dès mercredi 26 mars.


 

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