Cinéma: "Yves Saint Laurent", un biopic qui craque aux coutures... (14/01/2014)

guillaume-gallienne-yves-saint-laurent[1].jpgLa vie du célèbre couturier, mort en 2008, ne semblait pas inspirer les cinéastes. Et voici que soudain, elle est portée par deux fois à l’écran, provoquant depuis deux ans une  "bataille des Saint Laurent". Avec un premier opus à l’affiche signé par Jalil Lespert, et un autre par Bertrand Bonello, actuellement en cours de montage.

Dans son biopic, Lespert nous emmène à Paris en 1957. Yves Saint Laurent, 21 ans seulement, succède à Christian Dior récemment décédé. Lors de son premier défilé, un triomphe, il rencontre l'entrepreneur  et patron des arts Pierre Bergé. Devenus amants et partenaires en affaires, les deux hommes créent trois ans plus tard la société YSL.

Pour incarner ses héros (photo), le réalisateur a choisi le comédien Pierre Niney, hallucinant et troublant de ressemblance avec le grand couturier, tandis que le talentueux Guillaume Galienne, nouvelle figure incontournable de la pellicule française, se coule dans le costume de Pierre Bergé. Bluffante, leur excellente interprétation constitue le grand atout de l’opus, sinon le seul.

Yves Saint Laurent, un film d’acteurs donc, devant lesquels le réalisateur est contraint de s'effacer par manque d'envergure. Sous couvert d’une intense et poignante histoire d’amour de cinquante ans entre deux personnalités diamétralement opposées, et au delà d’une reconstitution du climat de la France des années 60, Jalil Lespert a concocté une oeuvre sans souffle, sans rythme, dont les coutures craquent. 

A-still-from-the-new-Yves-Saint-Laurent-movie-2014[1].jpgQui s’intéresse à YSL n’apprend rien, qui ne le connaît pas ne peut mesurer l’importance de cet artiste qui, par son génie novateur, a révolutionné pour toujours le monde de la mode. Par ailleurs, tout en le réduisant à un créateur toxicomane, obsessionnel et dépressif, il peine à illustrer la souffrance et la déchéance d’un homme torturé, en proie à ses démons intérieurs.

Cette réserve, ce côté lisse en dépit de quelques scènes intimistes entre les amants qu’il veut érotiques et tendues, mais qui frisent parfois le ridicule, n’ont en réalité rien d’étonnant. Lespert a en effet reçu l’aval de Bergé, à qui il a donné le beau rôle. Pour le remercier en somme de lui avoir permis l’accès à l’atelier et le droit d’utiliser modèles de robes et dessins originaux. Un précieux soutien qu’il exploite hélas très mal.

Pour mieux cerner la douloureuse part d’ombre d’YSL, il faudra peut-être attendre l’adaptation de Bertrand Bonello, s’annonçant en principe plus sulfureuse, voire scandaleuse. Elle n’a pas l’approbation du mécène, très en colère de ne pas avoir été consulté au préalable. Il faut savoir que ce dernier détient le droit moral sur l’œuvre d’YSL, son image et la sienne propre.

L’auteur de L’Apollonide s’est plus particulièrement penché sur la période 1965-1976, pour montrer un homme professionnellement au sommet de sa gloire et de son art, mais qui, victime de ses tourments existentiels, va tomber sur le plan personnel. Cette version devrait sortir le 14 mai, jour de l’ouverture  du 67e Festival de Cannes. Simple coïncidence ?

Film à l’affiche dans les salles romandes dès mercredi 15 janvier.

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