Cinéma: "Paradis: Amour", ou le piège humiliant du tourisme sexuel (25/06/2013)

image[1].jpgLe provoquant cinéaste autrichien Ulrich Seidl ne s’embarrasse pas de circonvolutions politiquement correctes pour souligner le triste état de nos sociétés. Adepte de la radicalité, il s’attaque frontalement aux sujets les plus scabreux.

Sélectionné à Cannes pour Dog Days en 2002, Import/Export en 2007, l’auteur se retrouvait en compétition en 2012 sur la Croisette avec Amour,  premier volet d’une trilogie intitulée Paradis, où des Autrichiennes vieillissantes tentent d’oublier leurs rides et leurs bourrelets dans les bras musclés d’éphèbes kényans. Sans scrupule, avides de "renifler la peau d’un nègre et admirant leurs belles dents", ce sont ces sugar mamas qui entretiennent des beachboys pour leur plaisir. Ulrich Seidl suit plus particulièrement Teresa (photo), une quinqua dodue aux chairs tombantes, obsédée par la propreté.

L'exotisme ravageur du lieu la poussant à imaginer un prince charmant jeune et costaud, elle se laisse prendre au piège du tourisme sexuel. Plus naïve qu’une adolescente amoureuse, elle croit aux déclarations enflammées de Gabriel beau comme un Dieu, qui n’en veut évidemment qu’à son argent, comme tous ses congénères. Avant de partir à l’assaut d’une nouvelle proie facile.

En quête d’esclave rompu aux jeux érotiques, l’exploiteuse devient l’exploitée. Le paradis se mue en enfer et l’illusion de bonheur des premiers jours se transforme en une rage et une souffrance à la hauteur de l’humiliation subie.

Entre documentaire et fiction, Ulrich Seidel ne recule devant rien, traitant sans concession de la misère sexuelle et affective. Dans une mise en scène froide excluant toute émotion, il balaye les tabous, qu’il s’agisse de la libido marchande du Noir pauvre et lubrique, ou celle de la Blanche sur le retour dont il met impitoyablement le corps lourd à nu.

A l'image de celui de la comédienne Margarethe Tiesel, qui se livre elle aussi sans limite et avec un naturel confondant, à la caméra crue et dérangeante du réalisateur. A noter que les protagonistes masculins sont de vrais beachboys. A commencer par Gabriel, le bourreau des cœurs du coin qui se vante, paraît-il, d’avoir tombé bien des sugar mamas.

Film à l'affiche dans les salles romandes dès mercredi 26 juin.

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