Sortie cinéma: avec "Tango libre", l'impossible devient possible (08/12/2012)
Gardien de prison, JC ne se permet qu’une fantaisie pour pimenter son morne quotidien. Il prend des leçons de tango. Un soir au cours, il danse avec Alice et la revoit le lendemain au parloir. D’abord avec un détenu, puis avec un autre. Alice est la femme de deux hommes, Fernand et Dominic. JC n’a pas le droit de fréquenter la famille des prisonniers. Mais pour la première fois, il va violer le règlement.
Plein de folie et d’irrationnel, se déroulant en majorité dans un pénitencier utilisé comme une allégorie, Tango libre parle d’amour, d’exclusivité, de rivalité entre hommes, d’homosexualité latente. Il raconte l’histoire d’un homme qui n’a pas de vie. Il rencontre une femme qui en a trop, l’amène à transgresser tout ce qu’il était et le pousse à tenter autre chose.
C’est le troisième volet d’une trilogie signée de Fréderic Fonteyne, commencée en 1999 avec Une liaison pornographique et poursuivie par La femme de Gilles quatre ans plus tard. De passage à Genève, le cinéaste belge dit réaliser des films pour aller, comme ses personnages, voir ailleurs qu’en lui-même, pour découvrir les autres et leur univers. Mais aussi pour les retrouver.
Tango libre est donc né d’une volonté de retravailler avec Sergi Lopez et Jan Hammenecker, de la rencontre avec sa compagne et co-scénariste Anne Paulicevich, au centre du récit, de son envie de collaborer depuis longtemps avec François Damiens dans le rôle du timide maton amoureux. "J’ai des liens avec tous les personnages du film. Si l’un d’eux avait refusé, il n’aurait jamais existé. Pour autant ce n'est une affaire de potes, mais de famille".
Pourquoi baser l’intrigue sur le tango?
Pour plusieurs raisons. La tango est plus qu’une danse. Proche du cinéma il se révèle magnifiquement énergique, est à la fois un combat et un moyen de communiquer entre un homme et une femme. Là, je l’utilise comme une métaphore de l’amour tout en remontant à ses origines. En Argentine, il y avait alors plus d’hommes que de femmes. Et pour avoir la chance de danser avec une femme, ils étaient obligés de s’entraîner entre eux.
D’où ces scènes pour le moins insolites où les détenus se mettent à danser entre eux.
C’était une façon de laiser entrer quelque chose de féminin dans un univers masculin, une forme de provocation, de révolte face aux gardiens. Si je montre le monde tel qu’il est, c’est un monde impossible. Et je veux montrer qu’il est possible de se libérer d’un endroit impossible, en allant contre les règles. Pendant quelques secondes, les prisonniers oublient qu’ils sont enfermés. Et je trouve beau que la libération vienne du tango.
Vous êtes plutôt rare à l’écran. Pourquoi cette parcimonie?
D’abord pour une raison simple, cette histoire a pris beaucoup de temps. Par ailleurs le cinéma n’est pas la seule chose importante pour moi. J’écris, même si je ne publie pas, j’étudie la Bible en hébreu, je m’intéresse aux paradoxes de la vie, je m’interroge. Notamment sur l’utilité d'un film de plus alors qu’il en sort déjà beaucoup. Tango libre m’a heureusement permis de repartir sur mes bases. Aujourd'hui j’ai même deux projets. Mon travail sert à continuer à me questionner et à trouver éventuellement des formes de réponse.
Film à l’affiche dans les salles romandes depuis mercredi 5 novembre.
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