Sorties cinéma: "Amour", la Palme d'or de Michael Haneke (23/10/2012)

20272262.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx[1].jpgDès sa projection à mi-parcours du festival à Cannes en mai dernier, l’accueil enthousiaste réservé au film en faisait le grand favori pour la Palme d’or. Quelques jours plus tard son auteur Michael Haneke obtenait logiquement, après celle reçue en 2009 avec Le ruban blanc, la récompense suprême pour Amour.

Une grande œuvre superbement réalisée et dialoguée, mais au sujet qui n’a apparemment rien pour séduire. Voire tabou dans nos sociétés qui préfèrent cacher ces choses. Le film ouvre avec une scène où des pompiers enfoncent la porte d’un appartement parisien cossu. Dans une chambre ils découvrent une vieille dame allongée sur son lit, morte, des pétales de fleurs disposés autour de sa tête. Sur fond noir, le mot  "Amour", révélateur…

Flash back pour une action qui va alors se dérouler entièrement dans cet appartement. Entre moments cauchemardesque, sublimes, romanesques, poétiques, fous, le réalisateur livre un huis-clos dramatique, s’attachant  à montrer, alors que la faucheuse rôde, un amour qui s’achève et la manière de gérer une souffrance liée à la perte d’un être adoré. 

A l'épreuve de la maladie

Là, il s’agit d’Anne et Georges, deux beaux octogénaires élégants et cultivés laissant oublier l’outrage des ans. Fins lettrés et anciens professeurs de musique, ils lisent en écoutant Schubert entre les visites d’un jeune concertiste ou de leur fille. Mais la vie du couple, dont l’amour indéfectible nous est révélé par des paroles, des gestes et des regards d’une infinie tendresse, est soudain ébranlé par les ravages de la maladie.

Victime d’une attaque cérébrale, Anne se retrouve à moitié paralysée à la suite de l’opération. Et cette belle femme fière et forte voit sa santé se dégrader de jour en jour, son pauvre  corps perclus la lâcher, jusqu’à devenir aussi dépendante de Georges qu’une enfant qu’on doit nourrir, laver, changer.

Une déchéance terrible et des conditions humiliantes dont le réalisateur ne cache rien pour montrer que l’amour absolu consiste à accepter l'nacceptable, tout en filmant avec une grande pudeur cette lente et douloureuse progression vers un dénouement inéluctable.

Outre à son égérie Isabelle Huppert dans le rôle secondaire de la fille du couple, Michael Haneke a fait appel à deux de ses idoles. Emmanuelle Riva, inoubliable héroïne d'’Hiroshima mon amour et Jean-Louis Trintignant qu’on ne présente plus (photo). Tous deux jouent magistralement les personnages d'Anne et de Georges dans cet opus tragique, bouleversant, éprouvant, simple, juste. Et à la portée universelle dans la mesure où il nous place dans une situation à laquelle nous sommes tous confrontés à un moment de notre vie.

Lors de la conférence de presse Emmanuelle Riva, balayant le côté dégradant de l’état physique dans lequel elle devait se trouver, avouait que se mettre à la place d’Anne avait  été un bonheur exceptionnel, presque voluptueux. Quant à Jean-Louis Trintignant, se déclarant incapable de résister au cinéaste autrichien, il a laissé entendre que ce serait son dernier film. Sa magnifique prestation n’en est que plus précieuse.

   
Au galop, un film qui se traîne

still2[1].jpgAlors que son père vient de mourir, un écrivain séduit une femme sur le point de se marier, voit sa mère perdre progressivement la mémoire et sa fille connaître ses premiers émois amoureux. Une chronique familiale que l’on doit à l’acteur Louis-Do de Lancquesaing (Le père de mes enfants, Polisse), passé pour la première fois derrière la caméra.


En dépit d'un contexte parfois assez finement analysé comme ces scènes où une femme hésite entre un nouvel amour et la crainte de faire du mal à un compagnon bien sous tous rapports, le sujet est banal, le ton et les dialogues affectés, le traitement souvent complaisant. De plus l’intrigue se traîne. Un comble pour un film qui s’appelle Au galop!

Restent les acteurs qui font le travail, sans plus. A l’image d’Alice, la fille de Louis-Do, de Valentina Cervi (photo), de Marthe Keller, émouvante en mère fantasque souffrant d’un début d’Alzheimer, mais qui nous rejoue du coup un peu trop celle de Fragile de Laurent Nègre. De son côté Xavier Beauvois a du mal à convaincre, tandis que Louis-Do de Lecquesaing ne cesse de vouloir nous persuader qu’il est un super beau mec… 


Modest Reception dénonce l'argent qui corrompt

still4[1].jpgLeyla et Kaveh (le bras dans le plâtre) forment un couple bizarre à l’air plutôt aisé venu de Téhéran.  Peut-être mari et femme, peut-être frère et sœur, ils parcourent les montagnes kurdes en voiture, le coffre bourré de sacs de billets de banque qu’ils sont censés distribuer par on ne sait qui aux gens qu’ils rencontrent au hasard de leur étrange voyage dans cette région bombardée.

De quoi se demander à quel jeu, éventuellement pervers, ils jouent entre aumône, honneur, pari et tentation. Reste que tous deux se heurtent à la méfiance, voire à la forte réticence des bénéficiaires qui, pourtant très pauvres, vont jusqu’à refuser fièrement cette manne suspecte. Provoquant des colères feintes ou amusées des curieux bienfaiteurs, exigeant de surcroît que chaque donation soit filmée.

Avec cette comédie burlesque, le réalisateur Mani Haghighi, interprète de  Kaveh aux côtés de Taraneh Aligoosti (Leyla), livre un constat ironique de la société iranienne, doublé d’une parabole se voulant originale sur l’argent qui corrompt l’homme. On regrettera toutefois des longueurs et outrances pénibles. Telle la monstre et interminable engueulade du début entre les deux protagonistes.


Films à L’affiche dans les salles romandes dès le mercredi 24 octobre.

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