Festival de Cannes: Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, l'amour à mort (21/05/2012)

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaemmanu.jpgA mi-parcours du festival, deux films ont la faveur des critiques, à en croire les palmes et les étoiles distribuées dans les revues spécialisées comme Le film français ou Screen. De rouille et d’os de Jacques Audiard l’emporte chez les journalistes hexagonaux devant Au-delà des collines du Roumain Cristian Mungiu, Palme d’or en 2007 pour 4 mois, 3 semaines et 2 jours et vice-versa pour la presse internationale.

On peut ajouter au palmarès Michael Haneke, lauréat  en 2009 pour Le ruban blanc, si l’on en juge par l’accueil enthousiaste et admiratif réservé au plus solide habitué de la Croisette pour Amour. Un grand film, simple, superbement réalisé, mais dont le sujet n’a rien pour plaire a priori.

Entre moments cauchemardesques, beaux, romanesques ou poétiques, le réalisateur s’attache à montrer un amour qui s’achève et la manière de gérer la souffrance liée à la perte d’un être cher. Très diminué de surcroît. "C’est une situation à laquelle nous sommes tous confrontés à un moment de notre vie", a-t-il déclaré à la conférence de presse.
 
Outre à son égérie Isabelle Huppert pour un rôle secondaire, le cinéaste a fait appel à deux de ses idoles, Emmanuelle Riva, l’inoubliable héroïne d’ Hiroshima mon amour et Jean-Louis Trintignant qu’on ne présente plus. Tous deux jouent magistralement Anne et Georges. Ce couple d’octogénaires élégants et cultivés, anciens professeurs de musique, est ébranlé par les ravages de la maladie.

Aussi dépendante qu'un enfant

A moitié paralysée à la suite d’une opération, Anne  voit sa santé se dégrader de jour en jour, jusqu’à devenir aussi dépendante de Georges qu’un enfant qu’il doit nourrir, laver, changer. Pas de quoi pourtant rebuter Emmanuelle Riva, bien au contraire. Elle redoutait juste de ne pas être choisie et sa seule peur a été de manipuler son fauteuil roulant électrique.

"En toute humilité, j’avais une certaine conviction que je pouvais me mettre à la place d’Anne. Au point que ce n’était plus moi que je voyais mais elle. C’était un grand bonheur, exceptionnel, presque voluptueux. Je suis entrée très naturellement dans une passion très puissante qui m’a procuré une joie immense".

On pourrait imaginer qu’un tel rôle implique une grande préparation, notamment psychologique pour affronter certaines scènes. Apparemment pas. "Michael Haneke m’a dit: surtout pas de sentimentalité. Du coup j’ai tout compris et cela a effacé mes craintes. Celles liées par exemple à mon état physique et aux situations humiliantes dans lesquelles je devais me trouver ont été balayées. Je savais que je n’entrais pas dans un univers de beauté et j’avais presque envie d’aller encore plus loin que le réalisateur me le demandait pour le surprendre. Mais cela n’aurait pas sonné juste".

De son côté Jean-Louis Trintignant qu’on n’avait plus revu sur grand écran depuis Ceux qui m’aiment prendront le train de Patrice Chéreau en 1998, a été sorti de sa retraite par le réalisateur autrichien. Impossible de résister. "Je ne voulais plus faire de cinéma, mais Haneke est l’un des plus grands metteurs en scène. Je me trouve meilleur au théâtre, car je ne me vois pas. Chez lui, je suis content de m'être vu". Ajoutant malicieusement. "Cela dit je ne recomencerai pas, car j’ai beaucoup souffert. C’est un grand bonheur mais c’est difficile. Haneke a le film dans sa tête et il est terriblement exigeant. Je ne vous le conseille pas…"

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