Festival de Locarno: Melgar en route pour un Léopard (06/08/2011)

fernand.jpgAccueil critique enthousiaste et ovation lors de la projection publique de Vol Spécial, le nouveau documentaire de Fernand Melgar. Une première à laquelle a finalement décidé d’assister la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey.

 

Trois ans après La forteresse traitant des conditions d’accueil des requérants d’asile en Suisse et qui lui avait valu un Léopard d’or dans la section «Cinéastes du présent », le réalisateur vaudois, aligné en compétition officielle, a de bonnes chances de décrocher un nouveau Léopard. Reste à savoir de quel métal il sera fait.

 

Dramatique fin du parcours

 

Cette fois, il boucle la boucle en évoquant l’autre bout de la chaîne. La fin du parcours migratoire C’est en effet au centre genevois de détention administrative de Frambois, l’un des ving-huit à travers le pays où se joue définitivement le sort des demandeurs déboutés ou des clandestins, que Melgar a planté sa caméra.

 

 Invisible, discrète, elle montre des gens qui, comme des milliers d’autres chaque année, sont emprisonnés sans procès ni condamnation dans l’attente du  renvoi inéluctable. Un attente stressante et sous tension qui peut durer jusqu’à vingt-quatre mois. Le crime de ces étrangers dont certains vivent en Suisse depuis des années, ont des enfants, travaillent, paient des impôts: résider illégalement sur le territoire.

 

Immergé pendant neuf mois à Frambois où on lui a laissé toutre liberté, Fernand Melgar raconte le drame de chacun, suivant le parcours tragique de Serge, Alain, Ragip ou Geordry. Pour  mieux nous laisser pénétrer avec lui dans cet univers carcéral, il filme à hauteur d’homme, qu’il s’agisse des détenus ou de leurs gardiens.

 

L’humiliation de l’entravement

 

Jusqu’à l’expulsion fatale, se tissent entre eux des liens. D’amitié, de haine, de gratitude, de respect, d’amertume. Des relations qui se terminent le plus souvent dans le désespoir. Car aucun détenu  ne veut quitter volontairement la Suisse. Et ceux qui refusent finissent par subir l’humiliation de l’entravement. Une pratique d'une rare brutalité qui a déjà causé la mort de trois personnes  

 

Menottés, ligotés à une chaise, casqués, munis de couches- culotte, ils sont installés de force dans les avions. C‘est ce que l’on appelle les vols spéciaux qui peuvent durer jusqu’à quarante heures. Des scènes que Melgar n’a pas été autorisé à filmer. Pour lui c’est évidemment là que le bât blesse.   

 

Profondément humain, son documentaire n’en est pas moins intense et bouleversant, donnant à voir sans jugement ni commentaire. C’est sa force. Melgar se défend de faire un film militant. «Mon cinéma est là pour mettre un visage sur les choses, pour rappeler des destins brisés par des lois infâmes».

 

En salles dès le 21 septembre. A noter aussi que Fernand Melgar et son équipe ont suivi les expulsés chez eux et ont continué à les filmer. Ces portraits feront l’objet d’un webdocumentaire coproduit par la RTS et Arte, début 2012.  

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