Festival de Cannes: à son tour, Maïwenn nous balance un uppercut (13/05/2011)
Après Lynne Ramsey et Julia Leigh, une autre réalisatrice en compétition nous balance un sacré uppercut. C’est la Française Maïwenn avec Polisse, qu’a co-écrit Emanuelle Bercot. Juste en passant, ce titre à l’orthographe un poil bizarroïde s’explique dans la mesure où la réalisatrice ne pouvait l’énoncer correctement car il était déjà pris par Pialat. Elle donc eu l’idée de l’erreur en voyant son fils plancher sur un exercice d’écriture.
Maïwenn a imaginé son troisième long-métrage après Le bal des actrices et Pardonnez-moi en voyant un documentaire sur le sujet à la télévision. Caméra à l’épaule, elle nous immerge ainsi brutalement dans le travail des flics de la BPM (Brigade de protection des mineurs) avec son lot terrible de gardes à vue de pédophiles, de dépositions d’enfants abusés, d’interrogatoires de parents maltraitants, de dérives de la sexualité chez les ados. Le tout sur fond de relations fusionnelles entre les protagonistes.
Comment parviennent-ils à trouver l’équilibre entre leur vie privée et le quotidien glauque auquel ils ne cessent d’être confrontés? C’est ce que nous raconte Maïwenn dans cette œuvre d’une énergie et d’une force incroyables. Aussi parfaite dans sa direction des adultes que dans celle des enfants, elle se tient au plus près d’une réalité dans laquelle elle s’est plongée pendant des mois. Pour découvrir des gens passionnés, dont le boulot est la vie.
Ses acteurs se sont également immergés dans cet univers en suivant un stage d’une semaine avec deux pros qui leur ont appris le métier. Huit heures par jour, ils n’ont parlé que de police du petit-déjeuner au dîner, pour devenir un groupe quasi familial, soudé, solidaire et crédible. Le côté vrai obsédait à un point Maïwenn que deux policiers ont assisté à tout le tournage, pour éventuellement rectifier le tir quand la situation ne leur paraissait pas plausible.
Question inévitable lors de la conférence de presse, le film a-t-il changé votre regard sur la police? Plus particulièrement adressée à Joeystarr, toujours aussi agité et que l’exercice ennuie copieusement. «Je ne sais pas quoi dire. Quand on me propose une bonne histoire, que je sois flic ou travesti, ça m’intéresse.» Point barre en somme.
Karine Viard se montre plus communicative « Je ne connaissais que ceux qui t’emmerdent toute la journée ou qui commettent des abus de pouvoir. Là, on a rencontré des gens dévoués, intelligents, qui à mon avis n’ont pas choisi ce métier par hasard. Alors oui, mon regard a changé ». Tout comme celui se ses camarades de jeu qui voyaient la vie différemment en entrant chez eux.
Pour autant, Maïwenn n’a pas de message à délivrer. « L’impact, ce n’est pas mon problème. Ca prend où ça ne prend pas, on verra» Pas de souci, ça prendra. Polisse est un grand film.
Le pape fugueur de Nanni Moretti
Toujours en concours, je ne suis pas aussi emballée par Habemus Papam de Nanni Moretti, habitué de la Croisette et Palme d’Or avec La chambre du fils en 2001. Là il nous offre sa vision personnelle du Vatican, du pape et des cardinaux, en imaginant un drôle de pontife qui n’a évidemment rien à voir avec l’actuel. Une comédie dont l’extravagance se situe pourtant en deça de ce qu’on attendait.
Alors qu’il vient d’être élu, Melville s’estime indigne de sa charge. Et n’arrive pas à se présenter au balcon pour saluer la marée de fidèles qui se presse sur la place Saint-Pierre. Poussant un immense cri d’angoisse, il affole le conclave, qui fait alors appel à un psy athée pour résoudre ce problème aussi épineux que totalement inédit.
Mais le nouveau pape prend soudain la poudre d’escampette et se promène seul dans les rues de Rome, à la rencontre de choses et de gens qui lui étaient devenus étrangers. Pendant ce temps, le psy est retenu prisonnier au Vatican et finit par enseigner l’art du volley-ball aux cardinaux, qui trouvent un plaisir enfantin à se livrer au jeu.
Loin des sulfureux scandales pédophiles et financiers de l’an dernier, Nanni Moretti, refusant de se laisser influencer par une actualité qu’il juge de surcroît aujourd’hui un peu évanouie, veut ainsi confronter ces deux réalités. Forçant son héros et le public à se poser des questions auxquelles il n’apporte pas de réponses.
Pour incarner ce pape fugueur, le cinéaste a fait appel à Michel Piccoli. Qui n’a pas hésité un instant à accepter. «En revanche, Nanni m’a demandé de faire un essai», déclare le comédien pour qui on parle déjà, même si la concurrence sera rude, d'un prix d'interprétation. «Il est venu à Paris avec la robe papale et c’est seulement quelques jours plus tard qu’il m’a dit oui. C'est un peu orgueilleux mais j’avoue que c’était un rôle facile. Et si j’étais honnête, je dirais que pour moi c’est fini. Terminer ma carrière avec Moretti, c’est parfait.» On espère que non. Il nous manquerait.
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